et les obsédées seront bien gardées.
Il y a quelques années, j’étais, disons, très organisée. Aujourd’hui, je le suis plus raisonnablement (enfin, c’est mon avis). Mes armoires de cuisine ne supportaient pas qu’un verre à eau se retrouve à côté d’une coupe à champagne, qu’une tasse en porcelaine côtoie une tasse en céramique, qu’un bol à soupe fricote avec un bol à dessert. La première étagère de ma lingerie hébergeait les débarbouillettes (empilées par couleurs), la deuxième et la troisième, les serviettes (superposées par textures), la quatrième, les produits de toilette (rangés par grandeurs et grosseurs). Ma garde-robe se targuait de présenter mes vêtements de façon logique et pratique: ceux de la semaine au centre, classés par kits; ceux des sorties plus chics à droite; ceux du weekend au fond à gauche. Les objets décoratifs avaient une place assignée: un centimètre à côté, tout était déséquilibré; un centimètre plus bas, ça n’allait pas.
Mon frigo était le maître incontesté de la gestion par associations: les légumes avec les légumes, les fruits avec les fruits, les liquides avec les liquides, je pense que vous avez compris le principe. Pourtant, mes enfants ne semblaient pas saisir l’importance de cette organisation. Ma fille rangeait le lait avec le jus, même s’il est évident que le lait fait partie du groupe des produits laitiers, on s’entend. Mon fils, pas plus sensible à ma cause, garrochait la bouteille de ketchup à côté de la sauce soya: comment pouvait-on être aussi inconscient? J’avais beau expliquer, dans un élan irrité, que la sauce soya — tout comme la tamari et la hoisin — logeait au clan des sauces aux huîtres, au poisson et au piment, et qu’elle n’avait, mais alors là, rien à voir avec la moutarde, la mayonnaise, les cornichons sucrés, la relish et autres condiments, il n’y avait rien à faire. Tour à tour, Alex plaçait le beurre avec les oignons (sacrilège!) et Valérie cachait le fromage avec les pommes de terre (hérésie!). Mais qu’y avait-il de si compliqué à comprendre là-dedans?
Ma bibliothèque est encore classée par ordre alphabétique d’auteurs (sinon, comment s’y retrouver?), ma pharmacie a un agencement bien précis (les produits de beauté à gauche, les dentifrices et compagnie au centre, les médicaments à droite), les tiroirs de cuisine — et seulement eux! — ont le droit de manifester un certain désordre, mais les objets doivent appartenir à la même catégorie: celui du haut accueille les ustensiles, celui du milieu, les linges à vaisselle, et celui du bas, les cossins (ampoules, tournevis, papier alu, chandelles, marteau…). Pas besoin de vous dire que ce dernier tiroir m’obsède! Mais bon, avec le temps, j’ai appris à lâcher le morceau, ou presque.
Là où je perds véritablement le contrôle, c’est dans la façon de gérer mes placards et mes hangars: peu importe mes tentatives semestrielles de grand ménage, un bordel certain finit par s’installer. Et savez-vous quoi? Je m’en contrefous! Incroyable! Je suis de plus de plus détendue au sujet de l’astiquage et du rangement. Mais un fait demeure: l’organisation me permet de gagner temps et énergie. Lorsque mon espace vital est rangé, mon cerveau est rassuré et peut travailler «l’esprit» en paix.
J’ignore toujours si je fais partie des obsédées (voir notre reportage «Peut-on être trop organisée?» dans notre dernier numéro d’avril), mais je crois que mon besoin de savoir exactement où se trouvent les objets de la vie courante, de tenir à tout faire à la perfection, d’être plus ponctuelle que la reine d’Angleterre, d’avoir de la difficulté à déléguer, de vouloir être la meilleure, la plus efficace et la plus performante relève du même axiome: la peur de perdre le contrôle. Je l’avoue et j’y travaille. Et vous?
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