Voici l’édito de notre rédactrice en chef adjointe, Louise Richer
Dans les vapeurs de son esprit qui planait cette année-là en spoutnik, Daniel Bélanger trouvait déjà que «six milliards de solitudes, ça fait beaucoup de seuls ensemble…»
Maintenant qu’on a franchi le cap des sept milliards d’humains sur terre, la question se pose avec encore plus d’acuité: comment prendre sa place dans un monde si peuplé? Et, en ce mois de février où Cupidon est censé viser juste le jour de la Saint-Valentin, comment trouver la perle rare qui fera palpiter notre coeur quand on se croit condamnée au célibat à perpétuité?
«Le hasard est justement cette perfection du destin qui nous fait rencontrer une personne parmi sept milliards», affirmait récemment David Foenkinos dans Psychologies magazine*. Comparé à ça, gagner le gros lot à la loto, c’est presque banal! Car «plus nous sommes nombreux, plus ceux que nous rencontrons sont le fruit d’une étrange élection», ajoutait le romancier chroniqueur. Dans ce numéro de Vita, justement, quatre femmes témoignent qu’on peut – en dépit des lois de probabilité – trouver l’âme soeur… bien après 40 ans (voir notre article, p. 47). L’une d’elles, devenue veuve après quatre décennies de félicité conjugale, a renoué avec une ancienne flamme rencontrée il y a belle lurette sur les bancs d’école. Aujourd’hui, à 70 ans et des poussières, elle file le parfait amour avec le roméo de son enfance! Il paraît d’ailleurs que les couples formés à un âge mûr partagent plus souvent les mêmes valeurs que les jeunes tourtereaux, ce qui augmente substantiellement leurs chances de durer. Encore mieux: selon Bénédicte Ann, spécialiste du coaching amoureux et auteure d’un bestseller sur la quête du partenaire idéal (p. 50), tout le monde peut dénicher sa perle rare… à condition de vraiment le vouloir.
Le goût de cuisiner – je parle ici de popote routinière et prosaïquement alimentaire – découlerait-il lui aussi d’une simple question de motivation? J’avoue m’être beaucoup reconnue dans le portrait des copines de la journaliste Karine Vilder, qui traite du sujet («Cuisiner ou pas? On a le choix!», p. 62). Ce sont toutes des femmes qui, pour une foule de raisons aussi valables que variées, ont un jour refusé d’endosser le rôle traditionnel de la responsable des chaudrons à la maison. Certaines, comme moi, ont la chance de vivre avec un partenaire capable de leur mitonner chaque jour de bons petits plats (merci Chéri!). D’autres se rabattent sur les services d’un traiteur ou encore les mets préparés ou surgelés du supermarché pour jouir du temps ainsi gagné de manière plus divertissante.
Enfin, plusieurs avouent leur totale incompétence en la matière, faute d’apprentissage culinaire à l’école ou dans leur propre milieu familial. Résultat: la cuisine a cessé d’être un apanage féminin (tant mieux!), et de plus en plus d’hommes s’activent maintenant aux fourneaux – en privé ou devant leurs milliers de fans au petit écran, comme le démontre le retentissant succès des Stefano Faita, Louis-François Marcotte, Ricardo Larrivée et autres chefs hautement médiatisés. Ce n’est assurément pas moi qui m’en plaindrai! En revanche, ce dont je me plains volontiers et abondamment, c’est du manque de civisme criant dont je suis quotidiennement témoin dans le bus et le métro. Rien ne me fait râler davantage que d’être coincée, comme une sardine dans sa boîte, entre deux passagers complètement absorbés par la musique assourdissante de leur iPod… qu’ils me forcent à écouter, tout à fait contre mon gré. D’où l’idée de cet article sur les bonnes manières (p. 57), qui donnent hélas souvent l’impression d’être en voie de disparition. Au dire d’Hélène Matteau, qui signe ce reportage, la politesse est l’expression de l’altruisme, de la bonté, de la civilisation.
Bref, l’envers de la barbarie. Une valeur encore plus essentielle à une époque où les réseaux sociaux multiplient de façon exponentielle les rapports humains, qu’ils soient réels ou virtuels. Traiter l’autre comme on aimerait soi-même être traité, ça n’a pourtant rien de bien sorcier… Suffit d’y mettre un peu de bonne volonté.
* «Perdu dans l’immensité», Psychologies magazine, nov. 2011, p. 102
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