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L'art d'avoir du guts après 40 ans

Bien souvent, la création artistique n'a de raison d'être que dans le regard de l'autre. Encore faut-il avoir le courage de s'exposer? Petit cours d'introduction pour sortir de l'ombre, avec art!

Modifié le :
2009-08-18 11:47
Publié le :
2009-08-17 16:47
Par:
Christine Simonnet-Barberger

http://franceclermont.com/fr

France Clermont, artiste multidisciplinaire

À 40 ans passés, France, Claudia et Myriame ont toutes trois osé croire en leurs talents et, faisant fi de leurs peurs intérieures, se sont exposées à la lumière (et aux critiques!) Une audace remarquable qui force notre admiration et nous a poussés à aller chercher auprès d'elles la recette de ces coups de force.

Être son propre chef d'orchestre
Qui n'a pas en tête la vision romantique de l'artiste créant dans son atelier des œuvres si pleines de talent qu'elles seules l'ont rendu célèbre? France Clermont (54 ans) qui nous parle son premier vernissage dans le numéro de Vita de septembre sourit à cette image bien naïve de la réalité. «Un jour, un ami m'a dit qu'être artiste, c'est 20 % de création et 80 % de gestion. Cette remarque, avoue-t-elle, ne m'a pas plu du tout, mais c'est la règle du jeu». Elle s'est vite rendue à l'évidence. Son leitmotiv? Quatre petites lettres, O-S-E-R. «Le guts, c'est de n'avoir peur de rien»,résume-t-elle après quelques secondes de réflexion.

France a donc accroché ses tableaux au mur, ouvert les portes de sa maison au monde et contacté la presse. La réponse du public a été si positive qu'elle l'a portée vers un autre défi, celui de prendre contact directement avec un célèbre galeriste français avant de partir pour un voyage d'affaires en France. Résultat: cet automne, elle expose douze de ses œuvres à Paris, dans le quartier du Marais. «Les gens ne viennent pas à nous comme cela, il faut montrer nos couleurs. C'est à nous d'être à l'affût des opportunités. Car c'est toute cette série de petits culots qui nous mène plus loin», conclut-elle.

Vague d'abondance
Un tableau réalisé par France Clermont.

Photo :
Franceclermont.com

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bijoutia.com

Claudia Fiorentino (Claudia B.), joallière

Se former pour connaître les règles
Du cran, il en a fallu aussi à Claudia Fiorentino (43 ans, nom d'artiste Claudia B.) pour sortir de son atelier. Mère au foyer durant de longues années, elle s'est un jour décidée à donner une vie à «ses tripes et à son cœur» en devenant joaillière recycleuse et engagée ( bijoutia.com ).

Pour se faire connaître, elle a pendant deux ans cogné aux portes de toutes les boutiques de son quartier, puis d'ailleurs, de Québec à Ottawa. «Comme un colporteur», me raconte-t-elle, avant d'ajouter dans un éclat de rire, «c'est là que j'ai appris la vie, moi qui ne connaissais rien du monde économique!» Elle se souvient parfaitement d'un après-midi dans le Vieux-Montréal alors que les propriétaires des boutiques lui refusaient toute visibilité sans même regarder sa production. En fin de journée, devant un énième refus, elle a explosé. «J'ai dit à la propriétaire de la boutique que personne ne voulait donner de chance aux nouveaux, que c'était vraiment décourageant et injuste. J'étais tellement en colère! Finalement devant mon désespoir et après avoir vu mes bijoux, elle a gentiment accepté de les exposer». «Avec le recul, je me dis que c'était pas mal culotté de ma part de faire la morale à cette dame, mais», ajoute-t-elle en guise d'excuse, «j'avais une rage de montrer que j'étais capable. Sans cette force, cela ne peut marcher.»

Un conseil cependant, précise notre joaillière: «J'ai perdu tellement d'heures à parcourir les boutiques parce que je ne connaissais pas les mécanismes de vente que je ne le referais pas aujourd'hui. Quand on ne connait pas, mieux vaut aller se chercher de la formation». Et, d'un regard entendu, elle ajoute: «Retourner sur les bancs de l'école à 40 ans, ça, c'est avoir du guts. Mais cela m'a donné des ailes». Ces 300 heures de cours pour femme artiste, chef d'entreprise au CEFQ (Centre d'entrepreneuriat féminin du Québec) lui ont permis de constater qu'exposer en boutique et courir les salons n'était pas suffisant pour sortir de l'ombre: «Il faut aussi participer à des 5 à 7, adhérer à des organismes.» Bref, se faire connaître du milieu et se construire un réseau.

Un collier deClaudia B.

Photo :
Bijoutia.com

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myriameelyamani.com

Myriame El Yamani, conteuse

Se construire un réseau
C'est dans ce but précis que Myriame El Yamani (51 ans), fondatrice en 2006 de la Maison Internationale du conte à Montréal et conteuse elle-même a suivi une formation à l'entrepreneuriat auprès, cette fois, de l'organisme Compagnie F . Cette journaliste, chercheuse, professeure et finalement écrivaine avait déjà le bagage de communication nécessaire pour faire la promotion de sa maison, mais il lui manquait, me dit-elle, «un soutien humain pour se bâtir un réseau».

Selon elle, pour réussir, un artiste ne peut compter sur sa seule passion, il faut aussi s'entourer de gens compétents sur des choses qu'on ne connaît pas, de personnes qui donnent d'autres idées, des partenaires pour développer des projets. Il faut «apprendre à ouvrir ses antennes». C'est grâce à cela que Myriame a eu l'idée de jamer, pour un soir, avec des conteurs et des musiciens. «Les conteurs étaient très réticents. Finalement, il s'est créé une telle connivence, que le public a adoré. Certains pensaient qu'on avait travaillé ensemble au moins dix ans pour donner ce résultat. On s'était rencontrés juste 5 minutes avant!» L'artiste est comme « un visionnaire qui croit assez dans sa passion pour que les autres y croient aussi et le suivent sur le chemin qu'il a ouvert pour eux», conclut Myriame.

Un livre de conte signé Myriame El Yamani

Ne pas lâcher le morceau
Car même si elles sont toutes sorties de leur atelier pour se faire connaître, France, Claudia et Myriame n'oublient pas que c'est dans leur art et le plaisir qu'elles y trouvent que réside l'ingrédient principal de leur audace. Avec cependant, un soupçon «d'urgence (c'est maintenant ou jamais!)» qui, m'ont-elles toutes confié, fait toute une différence. Passé 40 ans, «on sait ce qu'on veut et surtout ce qu'on ne veut pas », soutient Claudia. « Parce que c'est justement un tournant qu'on a décidé de prendre, on ne lâchera pas le morceau», renchérit Myriame. Alors, «OSEZ!», tranche France. À bon entendeur(e), salut!

Photo:
myriameelyamani.com

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