Jeudi 4 décembre. Jour 6. Aujourd’hui, pas d’enfilades de rendez-vous ni d’entrevues. Mais que d’émotions fortes! En voici quelques unes.
La force de la communauté
Nous visitons un centre d’assainissement d’eau, qui dessert le district de Chaisa, à Lusaka, où vivent environ 5000 personnes dans des conditions déplorables. Ce centre, instauré par CARE en 2002, est, bien entendu, géré, entre autres, par la communauté, et représente un symbole d’espoir pour les Zambiens.
Vous y songez : il y a 20 ans, une femme pouvait marcher plusieurs kilomètres avant d’atteindre une source pour faire provision d’une eau beaucoup plus coûteuse à cette époque. De nos jours, quelques pas suffisent pour atteindre une eau assainie, qu’on se procure à 100 kwacha (environ 30 sous) par 20 litres. Une famille de 6 nécessite environ 7 contenants de 20 litres quotidiennement.
Une Zambienne souriante, mère de 3 enfants, me serre la main pendant que ses seaux se remplissent. Chaque jour elle se rend à la pompe et traîne trois contenants de 20 litres qu’elle ramène à la maison, située, heureusement, non loin de là.
On est loin du marché Jean-Talon! (Pour les lectrices qui ne viennent pas de Montréal et qui ne le connaîtraient pas, sachez que c’est un de nos endroits chouchous, qu’on fréquente avec plaisir et appétit).
Nous empruntons ensuite les trottoirs du marché où s’agglutinent des centaines de marchands qui vendent des denrées en tous genres : tapenka (poisson séché qu’on mange à pleine poignées ici), légumes (je n’ai pas vu de fruits), prises électriques, papier à sabler, meubles décrépis, vêtements usés… C’est grouillant de personnes, les trottoirs sont en fait des chemins rendus boueux par la pluie, la marchandise offerte n’est guère alléchante, bref, vous le devinez en lisant ces lignes que mon moral est au plus bas. Le pire, c’est cette odeur qui m’assaille non seulement par le nez, mais par toutes les pores de ma peau. Un mélange peu ragoûtant de sueur, de saleté, d’aliments pas frais, de matières fécales.
Réveil brutal
Dur de croire que la pauvreté urbaine est malgré tout moins pire que celle qui sévit dans les campagnes… C’est que loin de la ville, la misère semble moins palpable… et surtout moins nauséabonde. Au grand air, les pires odeurs deviennent plus subtiles. Le petit côté romantique de la vie rurale est un leurre. C’est à la dure que je viens de comprendre…
Les gens, toujours les gens…
Tout comme à la campagne, les gens en ville sont d’une incroyable gentillesse. Personne ne m’a quêté de l’argent. Personne (Mais on me dit que ça arrive à l’occasion, surtout si le quêteur a bu). On m’a souri, serré la main, sans jamais rien me demander, à part si j’allais bien. Tu parles si je vais bien! Demain, je repars pour le Canada, où m’attendent ma maison, ma cour, mes robinets d’où s’écoulent une eau propre, ma douche, ma vie sans pépins, sans tracas, à part ceux que j’aime bien m’inventer, mon épicier juste à côté, bref, j’en meurs de honte. Mais qu’est-ce que ça change à leur vie que je sois mal à l’aise ou non? RIEN. Alors je leur souris, parce que c’est tout ce qu’ils veulent de moi et parce que j’en ai envie. Je veux marcher avec eux dans les rues de ce grand bazar hétéroclite, partager avec eux, dans le moment présent, ce petit coin d’univers. Respirer avec eux ces quelques bouffées d’air, gratuites pour eux comme pour moi. Et sourire du fond du cœur, ça non plus ça ne coûte rien.
Dur dur d’être marchande
Matrida est une vieille marchande, au regard pétillant, qui me tient la main tout au long de notre conversation (un interprète assure la traduction). Derrière son comptoir, où sont étalés quelques légumes, elle passe près de 18 heures par jour. Gagne-t-elle bien sa vie? À vous de juger : si la chance lui sourit, elle peut empocher à la fin de sa longue journée quelque 8000 kwacha, environ 2,50 $. Mais certains jours, avoue-t-elle, désolée, en baissant la tête et en la secouant, elle ne fait absolument rien… Pourtant, elle m’assure qu’elle adore son travail qui lui permet de potiner avec les clients et les passants.
Les W.C. me poursuivent!
Je croyais y échapper! Pourtant qui dit assainissement d’eau parle aussi de toilettes. On s’est fait un plaisir de m’en faire visiter deux modèles. Avertissement : si vous êtes sur le point de vous mettre à table, je vous conseille de ne pas lire la suite. Premier modèle: l’ecosun. Le principe en est simple. Dans un cabinet en ciment, on effectue son dépôt au dessus d’un trou. Le produit de cette transaction se ramasse dans un énorme bac en plastique noir, situé à l’extérieur du cabinet, et renfoncé en grande partie dans le sol. Le soleil s’y met de la partie pour assurer l’évaporation du méthane et ainsi assécher complètement les matières contenues dans le bac. Après une semaine environ, cette matière, sèche comme du sable, est ramassée, pour ensuite servir d’engrais. Une toilette écologique, quoi! Le deuxième modèle est encore moins ragoûtant. Je vous en dispense donc l’explication (d’autant plus que je ne suis pas sûre de l’avoir compris à 100 %). Chose certaine, je ne me lasse pas d’admirer l’ingéniosité des ingénieurs en toilettes… :0)
Linda Priestley, rédactrice en chef adjointe et responsable santé au magazine Vita, accompagne une équipe de CARE Canada en Afrique. Pour en savoir plus sur son périple, lisez les autres messages de son blogue, ainsi que la
première page
de son carnet de voyage.