Il y a des livres que je refuse de lire parce qu’ils me font trop mal. Ceux qui décrivent la souffrance des enfants «pas comme les autres», par exemple, me chamboulent tout particulièrement. Il y a quelque temps, ma collègue, Joëlle Currat, responsable de la section culturelle de Vita , m’a refilé le roman Les Filles (éditions Alto) de Lori Lansens, qui raconte l’histoire fictive de Rose et Ruby, les plus vieilles jumelles craniopages du monde. Après avoir parcouru quelques pages, je n’avais qu’une idée en tête: déposer le livre sur ma table de chevet pour ne plus jamais le reprendre. Mais dévorée par la curiosité, j’ai persévéré. Aujourd’hui, je m’en félicite. Nul doute que si j’avais mis fin à la lecture de cet émouvant ouvrage, je serais passée à côté de quelque chose de merveilleux. Imaginez deux petites filles, unies par la chair et pour la vie, à la fois proches l’une de l’autre et dissemblables dans leur caractère et leurs goûts. Je les ai aimées et admirées tout au long du récit. Sous mes yeux, elles sont devenues des femmes inspirantes, animées et pleines d’espoir. Je priais pour que Rose et Ruby connaissent les joies d’une existence «normale», qu’elles puissent vivre le grand amour, que la première parvienne à faire publier son livre et que la deuxième soit reconnue pour ses talents de chercheuse d’artefacts amérindiens. Bref, je leur souhaitais tout ce qu’il y a de meilleur, comme je le ferais pour n’importe laquelle de mes amies. Et le meilleur, elles l’ont certes connu! Rose et Ruby ont été véritablement chéries, tant par leur famille, que leurs amis et la communauté. Triste la vie des filles pas comme les autres? À vous d’en juger…