Histoire de prénoms
Quand j'étais enceinte et que je cherchais désespérément pour ma future fille un prénom sortant des sentiers battus, un ami de mon conjoint m'a tout bonnement dit: «C'est pas compliqué, t'as qu'à l'appeler Sylvie, Nathalie, Lise, Suzanne ou Marie-Josée! Aujourd'hui, plus personne ne donne ces prénoms-là.» Il n'avait pas tort, au fond.
En 2007, pour l'ensemble des filles nées au Québec, il n'y a eu qu'une Sylvie, une Lise, deux Nathalie et deux Marie-Josée mais aucune Suzanne, malgré l'engouement suscité par le personnage de Teri Hatcher dans Beautés désespérées . Remarquez, je n'ai pas tenu compte du conseil de cet ami, pourtant fort pertinent. Comme tant de nouvelles mamans désireuses de donner à leur petite un prénom aux consonances plus rares, j'ai préféré fouiller les méandres du passé pour dégoter une perle mâtinée de charme suranné et d'originalité.
Dommage que je ne sois pas tombée à ce moment-là sur le portail de Jean-Claude Huriaux ( sites.rapidus.net/jhuriaux ). Carnet de notes à la main, le bonhomme a écumé près de 200 cimetières de la province afin d'empêcher que tous les prénoms pittoresques de nos ancêtres figurant sur les pierres tombales ne sombrent totalement dans l'oubli. Loué soit-il! Car pour la seule lettre A, j'ai pu relever, sourire aux lèvres, de superbes cocasseries: Abdélarda, Abondantienne, Achiséline, Adaltrude, Adjutorine, Agathanie, Aldergonde, Aldesneiges, Alfrédette, Almanzorine, Ammalinde, Anaphlette, Antonicienne, Archangèle, Arguionne, Arnoldine, Arphénise, Arthénaïde, Arziliette, Audélasse, Auxiliatrice ou Azilberte... Inutile de préciser qu'à l'instant où j'écris ces lignes mon correcteur orthographique automatique souligne furieusement en rouge toutes ces excentricités d'antan.