Loin de l'abuseur et toujours victime d'inceste
Que dire de sa mère, qui devait forcément avoir quelques soupçons? Encore une fois, jamais Martine n'a pu se résoudre à qualifier son attitude de lâche ou à expliquer son silence troublant devant certains faits pourtant éloquents. «J'avais cinq ou six ans quand je suis allée chez le pédiatre avec maman. Après l'examen, il lui a parlé, puis elle est sortie en trombe du bureau... et je n'ai plus jamais revu ce médecin. Peut-être m'a-t-elle sacrifiée pour protéger ses deux autres enfants. Elle savait que son mari faisait des choses pas correctes, mais elle refusait de les voir.»
Au fond, Martine considère sa mère comme une victime collatérale du maître tout-puissant de la maisonnée. Son géniteur - un manipulateur rusé et cruel - qui ne cesse de la culpabiliser en lui répétant inlassablement qu'elle détruirait la famille si elle révélait leur secret. Alors elle se tait. Outre sa mère, sa sœur aînée et son jeune frère deviennent eux aussi complices du silence familial. Dans ce climat malsain, tous trois ne semblent rien deviner du malheur de celle qu'ils côtoient tous les jours. Et qui continue de subir régulièrement les assauts de son père jusqu'à la fin de ses études collégiales.
La douleur enfouie resurgit
Inscrite à l'UQTR, enfin éloignée de son bourreau et de ses proches, Martine reprend goût à la vie. Elle habite désormais en appartement. Se découvre une âme de «leader positif». Noue de belles amitiés, notamment avec Joëlle, alors la meilleure amie de sa sœur. Puis elle tombe amoureuse. Se marie. Fonde sa propre famille. Et fréquente très rarement sa parenté.
Mais en 2003, à 42 ans, la dépression frappe. Et Martine craque. La cause? Un trop-plein de douleur, qu'elle essayait de faire disparaître sous une montagne de travail. Longtemps, elle a tout mené de front: gérer la ferme familiale, préparer une maîtrise en développement régional, travailler en animation socioculturelle, puis diriger les relations avec la clientèle à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)... en plus d'être une épouse et la maman de deux filles et trois garçons. Ses enfants adorés et chéris qu'elle protège farouchement.