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Syndrome d'Othello ou quand la jalousie devient une maladie

Est-ce possible qu'un bon mari devienne un homme suspicieux et jaloux?

Modifié le :
2010-05-06 15:21
Publié le :
2010-05-03 10:37
Par:
Anne Bokma – Adaptation française: Annie Florent

istockphoto

Syndrome d'Othello ou quand la jalousie devient une maladie

Il y a six ans, Cindy Joseph*, alors âgée de 47 ans, prenait l'avion pour l'Angleterre afin d'aller assister aux funérailles de sa grand-mère. À son retour, 10 jours plus tard, son mari, James*, n'était plus le même homme. À peine eut-elle franchi la porte qu'il la pressa en chuchotant de le retrouver pour discuter dès que les enfants seraient au lit. «J'ai cru qu'il allait m'annoncer qu'il avait rencontré quelqu'un d'autre, qu'il avait une maîtresse», dit Cindy.

Une mauvaise blague?
En fait, c'était plutôt de son infidélité à elle dont il voulait lui parler, de sa certitude qu'elle le trompait. Et il avait des preuves, lui assura-t-il en lui montrant un sac d'épicerie contenant des photos, factures et comptes de téléphone, le tout accompagné de lettres d'amour conservées par Cindy depuis son adolescence. «C'était si ridicule que j'ai tout d'abord pensé qu'il s'agissait d'un malentendu.» Mais son conjoint d'ordinaire rationnel semblait convaincu que toutes ces «pièces à conviction» étaient autant de preuves des nombreuses infidélités de sa femme. S'est ensuivi un interrogatoire en règle. Ce numéro sur le compte de téléphone était-il celui qu'un amant? Fréquentait-t-elle toujours cet ami d'adolescence? Ces balles de golf, les avait-elle achetées pour en faire cadeau à un autre homme? À qui appartenait le numéro griffonné sur ce bout de papier?

«J'avais beau fournir des explications logiques à chacune de ses questions, aucune ne semblait le convaincre. Cette nuit-là, nous avons passé des heures à regarder tout ça.»

Les accusations injustifiés se poursuivirent le lendemain et au cours des jours suivants. James se mit bientôt à appeler sa femme au travail, angoissé par la découverte d'autres indices de son infidélité. Il entreprit de fouiller son sac à main et de passer son agenda au peigne fin, vérifiant au passage les poches de son manteau et les vêtements de sa garde-robe. Il se mit même à la suivre au travail, se stationnant à proximité de son bureau pour la prendre la main dans le sac alors lorsqu'elle irait dîner avec un autre homme. Peu a peu, il en vint à négliger son travail, sombrant de plus en plus dans l'alcool et dans son délire paranoïaque.

* Les noms des personnes concernées ont été modifiées à leur demande.

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Un comportement qui a un nom: la jalousie morbide

En l'espace de quelques semaines, la vie de cette mère de famille dévouée s'est transformée en une sorte de procès surréel dont elle était l'accusée présumée coupable d'adultère.

Sans arrêt, elle se sentait observée, soupçonnée. Toujours sur la défensive vis-à-vis de son mari, elle tenta maintes fois de lui faire comprendre qu'elle lui avait été tout à fait loyale au cours de leurs 26 années de mariage. La goutte d'eau qui allait faire déborder le vase tomba le jour où il lui dit être convaincu qu'il n'était pas le père de ses enfants. Elle décida alors d'appeler son médecin de famille pour lui demander de l'aide.

James, qui est aujourd'hui âgé de 59 ans, souffre de jalousie morbide. Connue depuis plus d'une cinquantaine d'année, elle se caractérise par une extrême jalousie sexuelle et une certitude absolue que le partenaire est infidèle , et ce, malgré un manque flagrant de preuves. La personne qui en est atteinte recherchera sans arrêt des indices pouvant trahir une liaison, harcèlera son partenaire de questions, éprouvera sa fidélité et ira parfois jusqu'à le suivre ou à poser des gestes violents. Elle refusera, même confrontée à de l'information allant à l'encontre de ses certitudes, d'accepter de voir la réalité et aura tendance à accuser l'autre d'avoir non pas un seul, mais plusieurs amants.

Un comportement qui a un nom : la jalousie morbide
La jalousie morbide est aussi connue sous le nom de jalousie pathologique, de délire de jalousie ou encore, du syndrome d'Othello. (On se rappellera qu'à la suite d'une traîtrise, Othello, le célèbre personnage de Shakespeare, croit que sa chère Desdémone l'a trompé avec un autre homme. Fou de douleur, le jaloux étouffe sa belle pour ensuite s'enlever la vie avec son propre poignard.)

Ce type de jalousie ne serait pas un trouble psychologique, d'après le Nimish Purohit, chef du service de psychiatrie de l'hôpital Joseph Brant Memorial, à Burlington, en Ontario. Il s'agirait plutôt d'un symptôme d'une maladie sous-jacente comme la dépression, la schizophrénie, l'alcoolisme ou les troubles de la personnalité. Quoique aucune étude n'en ait mesuré l'incidence, on constate que le syndrome touche beaucoup plus d'hommes que de femmes.

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Jalousie morbide: causes et facteurs

Le Dr Purohit, qui a traité quelque 10 jaloux pathologiques au cours de la dernière décennie, dont James, estime que de nombreux cas ne sont pas détectés.

D'après lui, les individus qui en souffrent n'ont pas la volonté de parler de leurs pensées obsessives à un professionnel de la santé, encore moins s'ils sont convaincus de réagir en toute rationalité. Ceux qui parviennent à concevoir que leurs soupçons ne peuvent être confirmés par des faits ont de meilleures chances de succès s'ils entreprennent un traitement - thérapie, médicaments ou combinaison des deux.

Quant aux autres, qui sont prisonniers de leur obsession, ils se perdent dans leur délire et obtiendront des résultats bien moins probants. «Si cela se transforme en réel trouble délirant, explique le Dr Purohit, la rupture devient en général inévitable.»

Causes et facteurs derrière le cas de James
L'alcool est probablement un facteur qui a pu retarder le diagnostic dans le cas de James, qui buvait de façon régulière et excessive. Michael Kingham, un expert psychiatre de Grande-Bretagne et le coauteur d'un article fondamental sur la jalousie morbide, cite deux études qui montrent la prévalence du syndrome chez des patients (27 % et 34 % des sujets) des services de traitement de l'alcoolisme.

Une autre étude a permis de conclure que plus de la moitié des personnes atteintes souffraient également de dépression. L'un des groupes de chercheurs a déterminé qu'«un sentiment d'impuissance, d'hypersensibilité et d'insécurité constituait l'un des principaux facteurs prédisposant à la jalousie morbide», dit le Dr Kingham.

Cindy pense que son retour sur le marché du travail peut avoir été à l'origine du changement d'attitude de son mari. Mère au foyer pendant plusieurs années, elle a pris un poste de réceptionniste en 2000, moment qui correspond avec celui où James a subi une baisse de salaire et quitté un emploi syndiqué pour lancer sa propre entreprise d'aménagement paysager.

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Jalousie morbide: Plus forte que tout?

Mais même si le retour au travail de Cindy a pu être lié à une baisse d'estime de soi chez James, ce dont celui-ci souffrait dorénavant ne pouvait être autre chose qu'un épisode psychotique.

Il l'accusait de coucher avec un si grand nombre d'hommes - quelque 75 au cours des cinq dernières années -, dit-elle, qu'il aurait été physiquement impossible de suivre un horaire aussi chargé. «Il pensait que j'avais ce pouvoir, et que je pouvais séduire son docteur et le psychiatre.»

L'ironie de la chose, c'est que le couple avait une vie sexuelle tout à fait satisfaisante avant le diagnostic de James, et même après. («Chaque vendredi et samedi, sans faute», dit Cindy.) Parfois, durant leurs rapports, Cindy disait à son mari qu'elle n'avait aucune envie d'être avec un autre homme. Mais elle ne parvenait jamais à le convaincre. «Il me répondait: "Ne parlons pas de ça maintenant."»

James ne cessait de lui répéter que si elle acceptait de mettre un terme à ses aventures, il lui pardonnerait. «J'ai parfois été tentée de le faire pour que tout cela soit terminé. Mais je savais que ce ne serait pas fini pour autant.»

La jalousie plus forte que tout?
Désireuse de prouver à son conjoint qu'il pouvait avoir confiance en elle, Cindy passa le plus de temps possible à la maison. «Mais même si je demeurais à portée de vue, il persistait à penser que d'une manière ou d'une autre, je parvenais à avoir un comportement répréhensible. C'était si éprouvant que j'ai fini par baisser les bras.»

Aujourd'hui, Cindy décrit son mari comme «un homme brisé». Après des années à suivre une thérapie combinée à des antipsychotiques, il s'est vu prescrire un autre médicament qu'il prend depuis l'an dernier. Celui-ci l'a aidé à réduire sa jalousie obsessionnelle, mais sans toutefois l'éliminer. Selon Cindy, ce médicament aurait aussi eu des conséquences néfastes sur le moral et l'énergie de James: son conjoint a perdu son entreprise, et s'est retrouvé sans amis ni loisir à passer le plus clair de son temps sur le divan, ses activités consistant à lire le journal ou à regarder la télévision en ingurgitant café et alcool et en fumant des cigarettes.

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Jalousie morbide: De l'espoir pour ceux qui en sont atteints?

Maintenant que leurs enfants sont entrés à l'université, elle pense qu'il est temps de mettre fin à son mariage. «Le psychiatre de James dit qu'il n'y a rien que je puisse faire. Alors pourquoi rester avec quelqu'un qui ne me fait pas confiance?»

De l'espoir pour ces hommes...
Tandis que certaines études semblent indiquer qu'environ le tiers des personnes ayant reçu le diagnostic du syndrome parviennent à obtenir des résultats satisfaisants grâce à la médication ou à la thérapie cognitive, la plupart des sujets, comme James, font face à un pronostic plus sombre. «Le risque de récurrence de la jalousie morbide est significatif. Aussi recommande-t-on un suivi attentif tout au long de la vie», indique Kingham.

Malgré la peine qu'il lui a causée, Cindy n'en veut pas à James, mais plutôt à sa maladie, qui lui a volé son conjoint tel qu'elle le connaissait. Elle dit toujours l'aimer et tenir à lui, et s'inquiète de ce qu'il deviendra lorsqu'elle le quittera. «Il a été un bon mari, un bon père et un bon pourvoyeur. Ma vie avec lui a été très satisfaisante. Ce qui arrive est une tragédie pour notre famille», dit-elle, en ajoutant qu'elle n'aurait pu passer à travers cette épreuve sans l'aide de ses proches. «Je suis demeurée dans cette relation ces six dernières années parce que j'avais toujours l'espoir que James finirait par ouvrir les yeux, confie Cindy. Mais j'ai compris que cela n'arriverait pas.»

La version originale de cet article a été publiée dans le magazine More du mois de Décembre-janvier 2010.

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Commentaires

  • Biancaneve's avatar Biancaneve a écrit :

    2010-05-08 12:47 PM

    Bonjour, J'ai vécu avec un homme ayant ce syndrome 15 ans....et je peux vous dire que c'est l'enfer. Ils sont dans leur monde et rien ne les fais changer d'idée. J'ai du partir et encore aujourd'hui je suis brisée par tant de énergie gaspillé. Il est allé consulté mais rien n'y faisait. Aujourd'hui après 12 ans de séparation ....il s'est suicidé.
  • Rouky's avatar Rouky a écrit :

    2010-05-12 6:36 AM

    Peut importe ce que vous ferrez rien n y fera... de crises en crises je me suis enfermée à la maison ,(mon mari travaillant à l extérieur)j ai meme utilisé des couches de cotons pour ne pas sortir de la maison ,et lorsqu il m a accusé d avoir une relation avec le facteur " tu dois le faire rentrer quand je ne suis pas là" je l ai quitté...j avais 24 ans et le pauvre homme sur le bord de la retraite....c était trop.Après refaire ma vie a été un vrai cauchemar dès qu un homme me pausait une question sur mon emploi du temps je le quittais....Mon mari avait laisser de grandes cicatrices dans son sillage...apres 20 ans de séparation mon ex est toujours seul et convaincu que toutes les femmes le trompent...je ne suis pas certaine qu on guérit de la jalousie morbide
  • colombesegondy's avatar colombesegondy a écrit :

    2010-05-17 12:20 AM

    Moi j'ai vécu sa pendant 2 ans,2 ans d'enfer.Autant pour lui que pour moi.C'est terrdible de voir cette "maladie"détruire votre couple.De voir l'homme qu'on aime avoir mal d'amour pour vous.Meme qu'a un moment donné tu te dit ma lfaire au moins je ne viverais pas tout sa pour rien.Ils penssait que je couchait avec plein d'homme meme son pere et son frere.J'avais apellé info-santé qui eux mavait transféré ds un centre qui mavait bien expliquer quun coup qu'il se mette sa ds tete imposible de leur enlevé.Donc cétais a moi de décider si je voullais vivre avec un homme qui maccusait a tord.Maudit que je l'aimais jamais jaimerais autant...Ca fait 7ans et la blessure est toujours aussi vive.Je dit souvent a la blague quon était Roméo et Juliette séparé par la maladie.Dans la nuit je ne pouvais pas aller aux toilettes sans le réveiller...je lui meme déja proposé:attache moi au lit je ne serrais pas bien mais toi te sera rassurer.Plus jamais un homme ne douteras de moi le doute est rendu monennemie #1.
  • jcar's avatar jcar a écrit :

    2010-06-28 3:18 PM

    Fidèlité, sincérité,confiance , si cela est rompu une fois , rien n' est plus pareil,au moindre conflit ,le flash est gravé à jamais dans la mémoire dont rien ne s' efface, la blessure s' ouvre à nouveau , cela devient un cercle vicieux !
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