La méditation - Prière de ne pas déranger

Quand on m'a proposé d'écrire cet article, j'ai dit oui tout de suite. Sans savoir pourquoi, le sujet m'intéressait. Du moins, en théorie...

Au fil des ans, j'ai amassé une collection de livres là-dessus, acheté un zafu (petit coussin rond pour la méditation ou le yoga) et un zafuji (tapis sur lequel repose le zafu), des figurines de Bouddha, quelques CD de musique et de chants bouddhistes. Je suis même allée voir le dalaï-lama lors de sa visite au Centre Bell, l'automne dernier. Mais l'idée de rester seule, immobile et silencieuse sur mon petit coussin m'angoissait. Je me sentais intimidée et perdue devant les théories et écoles chinoises, tibétaines, japonaises, indiennes et chrétiennes, et les enseignements de ces maîtres portant des noms étranges: Chögyam Trungpa Rinpotché, Dzigar Kongtrül Rinpotché, Yongey Mingyour Rinpotché, Dzogchen Ponlop Rinpotché (non, les Rinpotché ou Rinpoché ne sont pas les Tremblay des Tibétains; il s'agit d'un haut titre qui signifie «précieux»). Un jour, il a bien fallu que je m'y mette pour de bon.

J'ai d'abord essayé de méditer seule, avec l'aide de mes bouquins. Première erreur. «Les livres sont utiles lorsqu'on devient à l'aise avec une méthode et qu'on veut l'approfondir», soutient Gen Drenpa, une nonne bouddhiste de 43 ans qui transmet l'art de la méditation au Centre Bouddhiste Kankala, à Montréal. «Mais ils ne peuvent remplacer l'enseignement oral d'un guide. » Et comment le trouver, ce guide? Pour y parvenir, j'ai assisté à une journée portes ouvertes au Centre de méditation Shambhala de Montréal. Après la séance d'information, je me suis retrouvée dans une belle grande salle remplie de lumière de chaises, de coussins... et d'autres adeptes du recueillement.

Première constatation: méditer en groupe est extrêmement motivant.

Sans compter qu'il y a un guide pour nous aider au besoin. Du coup, je me suis sentie moins seule, et ça m'a encouragée à aller de l'avant. «Il s'agit d'adopter une technique qui nous fait du bien et nous procure assez rapidement un effet de paix», conseille Gen Drenpa. Si réciter ou chanter des mantras (syllabes ou phrases sacrées et dotées d'un pouvoir spirituel, selon les enseignements anciens) ne nous convient pas, il faut se tourner vers une autre méthode.

Matthieu Ricard, moine bouddhiste et interprète du dalaïlama - que j'ai joint dans son monastère à Kathmandu grâce à la magie du courriel -, ajoute ceci: «Pour éviter toute confusion, mieux vaut suivre une source fiable et persévérer dans cette voie plutôt que papillonner de droite à gauche.»

Méditation ou religion? La confusion!
Si j'ai longuement hésité à abandonner la théorie et à me tourner vers la pratique, c'est que je n'arrivais pas à démêler méditation et religion. Par exemple, fallait-il que je m'initie à la philosophie bouddhiste avant de m'assoir sur un coussin? Gen Drenpa m'explique que la méditation sert avant tout à trouver la paix intérieure. «C'est lorsque notre esprit est calme, moins affecté par les turbulences et les difficultés de la vie, qu'on peut - si on le désire - entreprendre un travail plus spirituel ou religieux.»

Les bouddhistes utilisent la méditation dans leur recherche de l'illumination, c'est-à-dire la perception parfaitement claire de la réalité. Mais tout un chacun peut bénéficier de ses bienfaits. «Même si on n'est pas religieux, poursuit-elle, la méditation peut nous aider dans toutes nos activités. En développant une plus grande qualité d'attention, on devient meilleure musicienne, meilleure femme d'affaires, meilleure mère de famille... »

Et selon Matthieu Ricard, il n'y a pas de limite d'âge pour s'y adonner. «Je connais de nombreux grands méditatifs de 80 ou 90 ans dotés d'une lucidité et d'une concentration parfaites. Au cours d'une étude en neuroscience menée auprès d'un groupe de méditatifs de tous les âges, c'est un homme de 67 ans qui avait la plus grande capacité d'attention.»

Pour apaiser l'agitation mentale, il faut s'entraîner.
Idéalement dans un espace où on peut se retirer en toute tranquillité.

Pour ma part, j'ai choisi la pièce qui me sert de bureau à la maison. Au-dessus de ma petite bibliothèque, j'ai disposé mes statuettes et un chandelier, histoire de délimiter mon coin. Quand je médite, je colle sur la porte une photo de Bouddha.

Après m'être installée sur mes coussins, je laisse mes pensées surgir et s'évanouir, sans les juger ni les condamner. Puis, je me lance. Certaines personnes utilisent un support de méditation (un mantra ou un objet inspirant, comme une statuette ou la flamme d'une chandelle) sur lequel leur esprit se concentre. Moi, je préfère la respiration. «Elle est universelle et neutre, c'est-àdire sans connotation religieuse», précise Gen Drenpa.

En pleine séance, je me concentre donc sur mon souffle. J'inspire et j'expire, sans forcer ni tenter de contrôler ma respiration. Je me contente de sentir l'air passer par mes narines, entrer dans mes poumons. Si mon esprit est distrait par une pensée, je me concentre de nouveau sur mon souffle avec calme. Dix fois. Cent fois s'il le faut. Sans m'impatienter. À un moment donné, je me rends compte que les pensées qui surgissent dans ma tête ne sont que des images, du «bavardage de neurones», comme l'écrit Yongey Mingyour Rinpotché dans son livre Bonheur de la méditation . Ces pensées folles, négatives, angoissantes et, en apparence, incontrôlables ne nous représentent pas. Si on ne s'y accroche pas, elles disparaissent comme elles sont venues.

N'est-ce pas merveilleusement rassurant?
«Méditer sur le souffle ne changera rien à la vie extérieure, ne paiera pas vos dettes, ne vous aidera pas à trouver un chum et ne vous guérira pas d'une maladie, mais cela créera en vous un profond contentement», ajoute Gen Drenpa.

La méditation exige certes de la discipline, mais elle n'est pas austère.
Joëlle Currat, qui signe la rubrique Zénitude de Vita et médite environ une heure chaque matin depuis 15 ans, est de cet avis.

«Si j'ai intégré cette activité dans mon quotidien, dit-elle, c'est que j'ai du plaisir à m'y adonner!» Et pour arriver à jouir de ses bienfaits, il faut l'exercer régulièrement. Ce qui ne vient pas toujours naturellement. «Je n'ai pas commencé dès le premier jour à pratiquer quotidiennement, précise Miss Zénitude. Au début, on rechigne, on résiste...»

Comment venir à bout de nos résistances?
Il faut simplement les ignorer et plonger. «C'est un peu comme se mettre au jogging, explique Gen Drenpa. Si on court seulement une ou deux fois par semaine, on aura sans cesse mal partout! La méditation, c'est pareil. L'idéal serait de lui consacrer 15 minutes par jour.»

À celles qui manquent de temps, la nonne bouddhiste propose une méthode qui se pratique n'importe où et en cinq minutes. Assise confortablement, on inspire, on expire, on compte: un. On inspire, on expire, on compte jusqu'à deux. On se rend ainsi jusqu'à 21, puis on reprend l'exercice dans le sens inverse jusqu'à zéro. De quoi se détendre... en moins de deux.

Personnellement, depuis que je vois la méditation comme une pratique simple, douce, et non comme une technique complexe à maîtriser, les quelques minutes que je lui accord presque chaque soir me sont devenues précieuses et indispensables. Matthieu Ricard énumère les bienfaits de cette activité dans son livre L'art de la méditation: renforcement de la capacité d'attention, de la vigilance et du système immunitaire, ainsi que diminution du niveau de stress et d'anxiété. C'est aussi un baume pour l'âme. «Au moment de méditer, explique Judith Champagne, masseuse shiatsu, j'ai l'impression de m'enraciner davantage dans mon corps. Ce qui consolide mon sentiment de paix et de tranquillité. On vit des inquiétudes et des soucis qu'on ne réussit pas toujours à faire disparaître. Mais on peut certainement gérer notre stress en tournant notre regard vers l'intérieur.» Joëlle abonde dans ce sens: «Quand je médite, j'ai l'impression de voir les évènements de ma vie avec du recul. C'est un moment de grande paix, de joie. Mais le bienfait numéro un, le plus évident, c'est vraiment la réduction du stress.»

Je le confesse, il y a des jours où je n’arrive pas à lâcher prise. Mais quand tout se passe bien, lorsque je réussis à décrocher, à laisser mes pensées flotter comme des nuages dans le ciel, la sensation d’espace et de liberté qui s’ensuit est incomparable. Pensez-y!

À VOS COUSSINS
La posture en 7 points*

1. On doit fournir au corps une base ferme, en s'asseyant par terre sur un coussin d'environ 15 cm d'épaisseur, jambes croisées comme dans la position du lotus ou simplement en tailleur. Ou sur une chaise, le dos droit, les pieds bien à plat sur le sol. L'important, c'est d'adopter une posture confortable et stable.

2. On pose les mains l'une sur l'autre, à la hauteur du nombril et pointées vers le haut, ou sur les cuisses, paumes vers le bas.

3. On laisse un léger espace entre les bras et le torse.

4. On maintient la colonne et le dos droits comme une flèche.

5. On garde également la tête droite.

6. On entrouvre très légèrement la bouche, le bout de la langue effleurant la voûte du palais.

7. Certaines écoles suggèrent de fermer les yeux, ce qui facilite la détente de l'esprit. D'autres conseillent plutôt de les garder ouverts afin de rester alerte. À vous de choisir. *Adapté de l'ouvrage de Yongey Mingyour Rinpotché, Bonheur de la méditation .

OÙ MÉDITER?

Montréal

• Centre Bouddhiste Kankala kankala.org
• Centre Shambhala de Montréal montreal.shambhala.org
• L'Émergence, le centre Brahma Kumaris de Montréal emergence-montreal.com

Québec

• Centre Paramita de bouddhisme tibétain du Québec centreparamita.org
• La communauté de méditation Zen de Québec comzenquebec.ca

AILLEURS AU QUÉBEC

• Bouddhisme au Québec bouddhismeauquebec.org Méditation chrétienne du Québec meditationchretienne.ca

Lectures méditatives

• Bonheur de la méditation, Yongey Mingyour Rinpotché, Le livre de poche, 2009.
  
• Dire oui à la vie , PEMA Chödrön, La table ronde, 2001.
  
• L'art de la méditation , Matthieu Ricard, NiL, 2008.
  
• Méditer au quotidien - Une pratique simple du bouddhisme , Hénépola Gunaratana, Marabout, 2007

La version originale de cet article a été publiée dans le numéro d'avril 2010 du magazine Vita .

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