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Au secours, je déparle!

Si vous êtes du genre à faire des lapsus gênants ou des tournures de phrases sans queue ni tête, vous appartenez à la vaste tribu des femmes qui déparlent en vieillissant.

Modifié le :
2010-08-16 17:12
Publié le :
2010-08-16 15:58
Par:
Martine Turenne
Je Deparle150

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Au secours, je déparle! Cas vécus

Si vous êtes du genre à faire des lapsus gênants ou des tournures de phrases sans queue ni tête, vous appartenez à la vaste tribu des femmes qui déparlent en vieillissant.

Nathalie Noël, 42 ans, est du genre à «déchiclager» du papier (un mélange des termes déchiquetage et recyclage), à aimer regarder la «laine plume» (au lieu de pleine lune) et à constater que sa «bouchette est toilée» (quand elle veut dire que sa toilette est bouchée).

Ce délire sémantique, appelé communément «déparlage», ne s'améliore pas en vieillissant, note sa soeur Kathy, 38 ans, atteinte du même trouble, quoique dans une moindre mesure: «C'est de famille, constate-t-elle, ma mère a toujours déparlé elle aussi. Ce qui nous fait d'ailleurs beaucoup rigoler!»

Chez les Noël, les femmes du clan présentent à peu près tous les cas de confusion lexicologique, des simples lapsus à la fréquente recherche de mots courants, en passant par les phrases sans queue ni tête.

Encore récemment, Kathy aidait une copine à préparer une salade et finissait de trancher des avocats lorsqu'elle lui a demandé s'il fallait mettre les légumes... dans la poubelle! «Évidemment, j'aurais dû dire "dans le bol à salade", mais comme il y avait une poubelle dans mon champ de vision quand j'ai posé la question, c'est ce mot-là qui est sorti», raconte-t-elle.

Je suis bien placée pour la comprendre, car c'est exactement ce genre d'anomalies langagières qui m'arrive le plus souvent: je dis par exemple à ma fille d'enfiler son pyjama (plutôt que son maillot) avant d'aller à la piscine, de mettre la lessive au frigo (plutôt que dans la laveuse) ou de vider la litière des chattes dans le bain (plutôt que dans le sac à ordures).

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Au secours, je déparle! Lapsus révélateurs

Autour de moi, c'est aussi la confusion totale qui règne: quelques-unes de mes amies ont «le coeur long» (au lieu de gros) et certaines autres se retrouvent «au creux de la tourmente» (plutôt qu'au coeur de la tourmente).

Enfin, une copine me confiait dernièrement que chaque fois qu'elle veut que son fils se dépêche de se rendre à l'école, elle lui répète systématiquement «Va sortir ta bicyclette». Aucun rapport. Et ce pauvre garçon - désormais habitué aux consignes farfelues de sa mère - ne relève même plus ses bévues.

Lapsus révélateurs
Les lapsus traduisent parfois de façon éloquente certaines pensées refoulées. À preuve, ces propos d'une copine excédée par l'imprudence de son chum, encore hospitalisé à la suite de son deuxième accident de vélo: «Demain, les médecins vont l'euthanasier», a-t-elle dit à sa soeur, interloquée. Heureusement, ils se sont contentés de l'anesthésier...

Déjà séniles, nous? Allons donc! La Dre Johanne Blais, dont la clientèle à Québec se compose essentiellement de femmes ménopausées ou à la veille de l'être, reçoit chaque jour des patientes inquiètes de leur cafouillage sémantique, de leurs énoncés loufoques, des mots qu'elles inventent ou qu'elles ont toujours sur le bout de la langue. Plusieurs d'entre elles sont convaincues qu'il s'agit là des premiers signes de démence ou de sénilité précoce. D'entrée de jeu, l'omnipraticienne les rassure: «Dans la très grande majorité des cas, ce n'est pas grave et ça n'indique rien d'autre que de la fatigue et un manque de concentration.»

En effet, les lapsus, les difficultés d'accès lexical (le fait de chercher ses mots) et la dyspraxie (inversion des mots) sont des manifestations bénignes, confirme Marie-Pierre Caouette, PDG de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ): «Ça se produit chez des gens tout à fait normaux. On est fatigués, surmenés, pressés de parler... et ça sort tout croche.» Une conséquence normale, dit-elle, de notre mode de vie nord-américain dont le rythme s'accélère constamment.

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Au secours, je déparle! Qu'est-ce que cette langue?

«Chacune d'entre nous dispose d'un manque de mots», continue Mme Caouette, réalisant aussitôt qu'elle vient elle-même de commettre un lapsus: «Une banque de mots, corrige-t-elle en riant. Or, il arrive parfois qu'on ait du mal à accéder à cette banque. Résultat?

On cherche une expression et on n'arrive pas à s'en souvenir ou on fait ce qu'on appelle du télescopage verbal: on a les syllabes ou les lettres de chaque mot, mais on les inverse et ça donne un terme inventé.» Comme les «bouchettes toilées» de Nathalie Noël.

Dans certains cas, il s'agit toutefois d'une condition innée, souligne Mme Caouette: «On retrouve ainsi quelques-uns de ces problèmes d'accès lexical chez les personnes souffrant de dysphasie et de dyslexie ou encore chez celles qui ont des troubles d'apprentissage.»

Mais quelle langue parlons-nous donc en vieillissant?
Les différentes manifestations du «déparlage» s'intensifient effectivement avec l'âge, constatent les spécialistes interviewées. «Lorsque les femmes atteignent la ménopause, elles subissent une baisse d'estrogène qui a pour effet d'accentuer la fatigue, note la Dre Johanne Blais. Et comme elles sont plus fatiguées, elles perdent de leur concentration.»

À partir de ce moment, des problèmes de mémoire surviennent: on se met à chercher ses mots, le prénom du voisin ou celui d'une collègue. Lorsque les symptômes des femmes ménopausées sont trop aigus et que la qualité de vie s'en trouve affectée, la Dre Blais prescrit une hormonothérapie, qui favorise notamment un sommeil réparateur.

Outre la fatigue et le manque de concentration, le cerveau vieillissant croule aussi sous une masse d'informations accumulées depuis 40, 50 ou 60 ans. Tout comme le disque dur d'un ordinateur qui finit par afficher complet puis se met à éliminer certains documents avec le temps, le cerveau fait la même chose, explique la Dre Blais: «Il enregistre moins de données et en rejette lui aussi.»

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Au secours, je déparle! Astuces et ressources

Et lorsque ledit cerveau doit jongler avec plusieurs langues, cet effet de surcharge s'amplifie. Lauraine Teodoro-Goyette, une traductrice de 45 ans, peut en témoigner.

Après des journées de travail particulièrement éreintantes, dit-elle, sa matière grise est tellement encombrée d'informations que ça l'incite à déparler, ce qui donne parfois lieu à des situations cocasses. Par exemple, quand elle a voulu expliquer à ses collègues anglophones (elles aussi d'âge mûr) que les portes de son garde-manger étaient brisées, elle leur a parlé de ses panty doors au lieu de pantry doors... suscitant du coup l'hilarité de ses consoeurs qui lui ont demandé: «Tu as des portes dans tes petites culottes, toi?»

À mon avis, vaut rieux en mire... euh, vaut mieux en rire. C'est sans doute encore le meilleur remède à nos petits problèmes d'expression orale!


3 astuces pour une parlure qui assure
«Faire de l'activité physique, ça oxygène le cerveau», note la Dre Johanne Blais. À cet égard, il importe aussi de surveiller notre alimentation et de stimuler nos neurones avec des mots croisés ou des jeux de mémoire (comme ceux des logiciels Brain Age , pour console Nintendo DS).

Bien dormir favorise également la concentration. Dans le même ordre d'idées, focaliser sur ce qu'on s'apprête à dire peut nous éviter bien des lapsus.

Notre banque de mots ressemble un peu à un tiroir à chaussettes: complètement pêlemêle. Pas étonnant que parfois, dans ce fouillis, «on cherche et on ne trouve pas!» dit Marie-Pierre Caouette, présidente de l'OOAQ. Truc proposé: de la même façon qu'on agence les chaussettes par paires, on essaie de classer et d'organiser les mots en faisant des liens entre eux, par exemple à l'aide d'exercices d'association.

Mots d'espoir

  • Le site de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec: ooaq.qc.ca .
  • L'ouvrage Stimulez votre cerveau - Plus de 200 jeux pour un cerveau ultra performant , de James Harrison et Mike Hobbs (Éditions du Renouveau pédagogique).
  • Les trois livres sur la santé des femmes de la Dre Johanne Blais: Être femme à 40 ans , Être femme à 50 ans et Être femme à 60 ans (Les Intouchables).
  • Le blogue de la Dre Blais

La version longue de cet article a été publiée dans le numéro de Mai 2010 du magazine Vita .

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Commentaires

  • Carole T's avatar Carole T a écrit :

    2010-08-17 3:18 PM

    Est-ce que cela peut arriver aux hommes de notre vie? Si oui est-ce pour les mêmes raisons?
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