La mémoire, ça s'entretient!

Avec l'âge, les pertes de mémoire sont-elles inévitables?
«On ne "perd" pas la mémoire», note la Dre Nathalie Shamlian, gérontopsychiatre, chef du Service de psychogériatrie et de la Clinique de la mémoire de l'Hôpital du Sacré Coeur de Montréal. «C'est le ralentissement de nos fonctions cognitives qui nous force à nous creuser la tête pour trouver une information. Plus on vieillit, plus on remarque nos trous de mémoire et plus on s'énerve! Le spectre de l'alzheimer nous hante. Pourtant, il suffit d'appliquer certains exercices pour nous aider à découvrir ce qu'on a sur le bout de la langue.»

Mis à part l'âge, quels sont les facteurs qui agissent sur la mémoire?
«Comme toutes les fonctions cognitives, la mémoire est influencée, entre autres, par le manque de sommeil, la fatigue, la maladie, la dépression et la surcharge de travail», précise Sylvie Belleville, chercheuse en neuropsychologie à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal (affilié à l'Université de Montréal). En fait, après 40 ans, ce serait davantage le poids des responsabilités - plutôt que l'âge - qui perturberait la mémoire.

Y a-t-il une nuance à apporter entre le fait d'oublier le nom d'une personne et celui de perdre sans cesse ses clés?
Les deux situations nous cassent les pieds, mais elles ne sont pas nécessairement des signes d'une mémoire défaillante. «Ne pas se souvenir du nom d'une personne est le plus commun des oublis. Un nom, c'est arbitraire et donc difficile à mémoriser parce qu'il ne fournit aucun indice véritable à notre cerveau», constate Mme Belleville. Quant au syndrome des clés égarées, il s'explique simplement par le fait qu'on a la tête ailleurs. Plus on avance en âge, plus il est difficile d'appliquer les principes du «mode multitâche». Par exemple, si on pense à autre chose en déposant ses clés sur la commode, le cerveau n'enregistrera pas le geste. D'où l'importance de se concentrer plutôt que d'agir de façon automatique. Sinon il y aura des fouilles en vue...

Certains symptômes sont-ils plus alarmants que d'autres?
Des pertes de mémoire qui se multiplient et qui nuisent au fonctionnement quotidien pourraient dénoter un problème plus sérieux. Pour vous rassurer, consultez le site de la Société Alzheimer du Canada . Sous l'onglet La maladie d'Alzheimer, vous trouverez la liste des 10 signes précurseurs . Mais ne sautez pas trop vite aux conclusions: il peut s'agir d'autre chose, comme une thyroïde qui fonctionne au ralenti.

La ménopause serait-elle responsable des troubles de la mémoire?
«Difficile de déterminer si la fluctuation hormonale en est la cause directe ou si ce sont plutôt les effets de celle-ci: manque de sommeil, niveau de stress élevé, etc.», répond Nathalie Belleville. Par ailleurs, les travaux de la Dre Barbara Sherwin, psychoneuroendocrinologue et chercheuse à l'Université McGill, démontrent que l'estrogène pourrait prévenir le déclin de la mémoire. Or, vers 60 ans, son taux chute à cause de l'atrophie des ovaires - les principaux producteurs de cette hormone. La solution? Une hormonothérapie à base d'estrogène. Mais pour que celle-ci ait un réel effet protecteur sur la mémoire, on doit la commencer à la préménopause.

Les logiciels d'entraînement cérébral peuvent-ils «muscler» le cerveau?
Les entreprises de jeux vidéo ont flairé une nouvelle clientèle prête à tout pour maintenir son cerveau en forme. Mais les jeux créés à cet effet sont-ils réellement bénéfiques pour la mémoire? «Aucune étude n'a prouvé scientifiquement leur efficacité, assure Mme Belleville. Il ne faudrait donc pas leur attribuer des vertus qu'ils n'ont pas.» Sans compter qu'il faut aimer ce type de stimulation électronique, plutôt répétitive. Si «pitonner» nous donne des cheveux gris, mieux vaut alors se tourner vers les bons vieux mots croisés, tout aussi efficaces. Le vrai secret de la stimulation intellectuelle? Varier les sources - visites de musées, sudoku, lecture, opéra -, et ce, le plus souvent possible. À ne pas négliger: l'acquisition de nouvelles connaissances. Il n'est jamais trop tard pour apprendre l'allemand ou découvrir Guerre et paix , de Léon Tolstoï!

Existe-t-il des stratégies pour se souvenir d'une info précise?
Pour retenir un numéro de téléphone, Nathalie Belleville suggère de le noter, puis de lui trouver une association fiable. Par exemple, les quatre derniers chiffres peuvent suivre une logique mathématique (1-2-3-4; 2-4-6-8; 1-3-5-7, etc.), être identiques aux chiffres que comporte le numéro d'une amie chère ou rappeler un évènement important (2512 fait référence au 25 décembre).

«Les informations stockées dans le cerveau n'y resteront pas éternellement si on ne les utilise pas», prévient Mme Belleville. La meilleure façon de ne pas les perdre: en faire un usage fréquent.

Une bonne tactique pour aider son disque dur interne est de tenir un agenda - et de le consulter! -, histoire de n'oublier aucun rendez-vous. Autres alliés: les aide-mémoires, les listes, les notes... Mais gare au désordre!

Pour suivre un itinéraire, lier un concept visuel à une indication verbale se révèle très efficace. Ainsi, il est utile de savoir que sur la rue Saint-Laurent, quand on la prend vers le nord à partir de la rue Sherbrooke, il y a une station-service à notre gauche.

Activer notre imagerie mentale est une autre bonne manière de se rafraîchir la mémoire. Pour ce faire, il suffit de jumeler des images à des concepts. Par exemple, pour ne pas oublier que sa collègue s'appelle Diane Paris, on l'associe à la tour Eiffel!

ASTUCES À RETENIR

Gérer les émotions négatives
Le stress a un effet toxique puisqu'il endommage les neurones.

Se protéger la tête
Le port d'un casque de vélo, ce n'est pas seulement pour les enfants. Même chose pour la ceinture de sécurité. En effet, les traumatismes crâniens peuvent altérer la mémoire.

Bouger
En augmentant notre rythme cardiaque, l'activité physique irrigue le cerveau de sang bien oxygéné et donne ainsi un boost aux neurones. D'après une étude australienne parue dans le Journal of the American Medical Association , il suffit de 20 minutes d'exercice quotidien pour améliorer la mémoire et tenir à distance les dangers qui la menacent.

Réveiller ses souvenirs
On dort bien. Durant le sommeil, le cerveau classe, organise, hiérarchise, emmagasine et traite les renseignements reçus au cours de la journée.

Avoir du plaisir
Jouir de la vie garde alerte. Alors, on dit oui aux découvertes, aux défis et aux petits bonheurs en tous genres.

Bien se nourrir
Selon la revue américaine Neuron , le poisson (riche en DHA, un acide du groupe des oméga-3) aurait un effet protecteur pour la mémoire. Et les légumes seraient efficaces pour retarder le déclin des facultés mentales, d'après une étude menée à Chicago par le Rush University Medical Center et récemment publiée dans la publication Neurology . Quant aux produits naturels, ils sont certes attirants. Toutefois, sans les rejeter complètement, la Dre Shamlian affirme qu'il n'existe pas suffisamment de preuves qui
permettent de les recommander sans risque.

Savoir s'entourer
La dépression et l'isolement nuisent au bon fonctionnement du cerveau. Les amis sont donc garants d'un moral en santé.

Augmenter la difficulté
Avant de s'emparer de notre BlackBerry pour trouver un numéro de téléphone, pourquoi ne pas plutôt essayer de s'en rappeler par nos propres moyens? N'oublions pas que les circuits d'une mémoire peu sollicitée finissent par rouiller!

La version originale de cet article a été publiée dans le numéro d'Été 2009 du magazine Vita .

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