• Envoyer
  • Imprimer
  • Favoris
  • Document user evaluation
    (1 personne)

Se sentir à nouveau femme après un cancer du sein

Convaincue qu'elle ne subirait jamais de chirurgie esthétique, Céline Lalonde*, 46 ans, se félicite aujourd'hui d'y avoir eu recours.

Modifié le :
2009-03-13 14:20
Publié le :
2008-11-16 08:29
Par:
Suzanne Décarie

iStockphoto.com

Le choc: je dois subir une mastectomie

Ça fait deux ans, déjà, que tout ça est arrivé. Et je suis bien, enfin! J'ai retrouvé un corps qui ressemble au mien. J'arrive même à oublier le cancer, ce qui permet à mes proches de l'oublier aussi. Ce n'est pas comme si rien ne s'était passé, évidemment, mais j'ai trouvé une façon de vivre après la maladie. Je suis plus à l'aise dans l'intimité, et mon conjoint le sent. Même nue devant le miroir, c'est devenu plus facile. Sans compter que je peux maintenant porter n'importe quoi! Si je n'avais pas demandé un deuxième avis médical, à l'époque, je n'aurais probablement pas accepté la reconstruction mammaire. J'avais l'impression que tout allait trop vite...

Il y a deux ans - j'avais alors 46 ans et trois fils âgés de 14, 12 et 8 ans -, on m'a découvert un cancer au sein gauche. J'avais d'abord remarqué une bosse de la grosseur d'un petit pois, qui était passée inaperçue à la mammographie. Quand j'ai constaté qu'elle s'était légèrement étendue, j'ai commencé à m'inquiéter et j'ai demandé à passer un nouvel examen. Une ponction a révélé qu'il s'agissait d'une tumeur.

Trois semaines plus tard, j'apprenais qu'on devait la retirer et prélever des ganglions à l'aisselle gauche pour analyse. Une chance que François, mon conjoint, avait lu sur Internet qu'il valait mieux retirer le moins de ganglions possible (idéalement seulement le ganglion sentinelle), car le chirurgien les aurait tous enlevés, ce qui augmente le risque de complications. Je me suis alors mise à douter de ses compétences...

Après l'analyse de la tumeur et du ganglion, le coup de masse est tombé: j'avais un cancer localisé ( in situ ), et il restait des cellules malignes dans mon sein. Résultat: il fallait me l'enlever! Par bonheur, les ganglions axillaires n'étaient pas atteints. Même s'il n'y avait pas urgence, le chirurgien voulait procéder à la mastectomie le surlendemain et, déjà, il me parlait de reconstruction mammaire. J'étais complètement sous le choc. Je n'arrivais pas à croire que j'allais perdre un sein! Je pensais que, de nos jours, on ne faisait plus d'ablation et qu'on avait plutôt recours à la chimiothérapie ou à la radiothérapie. Chose certaine, j'avais besoin de temps pour réfléchir... et aussi d'un autre avis. Mon médecin de famille m'a alors dirigée vers une chirurgienne-oncologue, la D re Erica Patocskai.

Publicité

iStockphoto.com

Pourquoi pas une reconstruction mammaire?

Pourquoi pas une reconstruction mammaire?

Un mois plus tard, je la rencontrais. Après une échographie et un test de résonance magnétique qui n'ont rien révélé, j'acceptais de me soumettre à une chirurgie exploratoire. Seule cette intervention permettrait de savoir avec certitude s'il restait des foyers cancéreux. Je ne voulais pas perdre un sein pour rien! Hélas, la chirurgie a confirmé le diagnostic précédent: il restait bel et bien des cellules malignes. J'allais donc devoir subir une mastectomie totale.

À son tour, la D re Patocskai m'a demandé si j'avais envisagé la reconstruction mammaire. À priori, jamais je n'aurais pensé recourir à la chirurgie esthétique; ça ne me ressemble pas. Inutile d'ajouter que je ne m'imaginais pas avec un faux sein. «Pourquoi pas? me dit-elle. Tu es encore jeune, tu as un conjoint. Toutes les filles de la rue Crescent ont des implants! Ce n'est pas dangereux.»

Ce «pourquoi pas?» lancé par ma chirurgienne-oncologue a tout changé. Il fallait cependant que je me décide vite, car la mastectomie était prévue pour deux semaines plus tard. Entretemps, si j'optais pour la reconstruction, la D re Patocksai devait trouver un plasticien pour pratiquer l'intervention. Une fois mon sein gauche enlevé, il m'installerait une sorte de petit sac destiné à recevoir une solution saline, qu'il remplacerait plus tard par un implant. C'était maintenant ou jamais, car je n'aurais sûrement pas envie de subir une autre chirurgie dans un an ou deux. Alors, pourquoi pas maintenant, en effet...

La veille de la chirurgie, le D r Juan Carlos Cordoba, chirurgien plasticien et esthétique à l'Hôpital Notre-Dame du CHUM, m'expliquait ce qu'il ferait en dessinant au feutre sur mes seins... devant quatre résidents. Ce n'est pas évident de servir de tableau à des médecins en apprentissage! Pour éviter que je me réveille avec un sein fraichement refait et l'autre vieillissant, le D r Cordoba remonterait aussi mon sein droit. Bref, on m'offrait un «deux pour un»! J'ai hésité un instant, car je me méfiais du silicone, avant de décider de lui faire confiance et de m'abandonner à ses soins.

Le lendemain, la D re Patocskai enlevait mon sein gauche. Puis, le D r Cordoba y installait la prothèse temporaire, remontait l'autre sein et suturait le tout. Je ne recevrais ni chimiothérapie ni radiothérapie, seulement un traitement hormonal. Après une semaine de convalescence, en juillet 2006, je suis partie quelques jours dans une auberge avec François et nos trois fils.

Publicité

iStockphoto.com

S'adapter à un nouveau sein

S'adapter à un nouveau sein

C'est au retour que j'ai vraiment vécu un deuil. Je n'étais plus au centre de l'attention médicale. Je me retrouvais seule avec un corps que je ne reconnaissais pas. Avec un sein en moins, c'est très difficile de se regarder dans le miroir. Le manque est flagrant. En perdant mon sein, j'ai eu l'impression de dire adieu à ma jeunesse. «Il nous en reste au moins un! Après tout, un cornet à une boule, c'est bon aussi!» s'est exclamé François pour me consoler. En fait, ça m'aidait de savoir que la situation était temporaire. Et comme j'ai une petite poitrine, ça ne paraissait pas trop.

Une fois que tout a été bien cicatrisé, le D r Cordoba a commencé les injections de solution saline. D'une semaine à l'autre, la peau se tendait doucement. Mon sein regagnait du volume. Je me sentais de mieux en mieux. À Noël, j'avais une nouvelle «boule»! Mon chirurgien a alors pu remplacer la prothèse d'expansion par l'implant de silicone.

Quelques jours plus tard, on enlevait le pansement. Selon ma chirurgienne-oncologue, l'intervention était très réussie! Cela dit, je n'ai pas voulu qu'on refasse le mamelon. Il aurait fallu prélever un bout de l'autre, et ça, il n'en était pas question. Je tenais à garder mon sein droit intact! J'aurais aussi pu opter pour un tatouage imitant le mamelon, mais comme c'est purement esthétique, je n'en voyais pas l'intérêt. Et puis, je commençais à en avoir assez des chirurgies. Si on m'avait dit que mon mamelon serait sensible de nouveau, je l'aurais fait. Car le plus dur, ç'a été de perdre la sensibilité de mon sein. C'était là mon vrai deuil, celui de François aussi. En fait, mon sein nous manque encore... Quand j'ai appris que j'avais le cancer, j'ai eu plus peur que quelque chose se brise entre nous deux que de mourir. François, c'est l'homme de ma vie. On est ensemble depuis 28 ans. Comment allait-il réagir devant ma maladie? Et si mon sein lui manquait à un point tel qu'il finisse par aller voir ailleurs?

Tout ça me préoccupait. Mais François s'est montré si délicat, si attentif! Il faisait des recherches sur Internet, se documentait sur le cancer. Moi, j'avais beau lire, je ne comprenais rien. Quand le médecin me parlait, je ne saisissais pas tout; j'étais parfois si stressée que j'en oubliais mes questions. Il fallait que quelqu'un soit là avec moi. Et François m'a toujours accompagnée, encouragée. Il restait rationnel, m'expliquant ce que je n'avais pas saisi. Son aide m'a été très précieuse.

Je suis très contente d'avoir opté pour la reconstruction mammaire. Je ne pense pas le regretter, même s'il faut changer l'implant au bout de 10 ans. J'aime mieux un faux sein que rien du tout! Ça m'a permis de retrouver mon image corporelle, mon identité féminine. Et je me porte à merveille!

* Nom fictif à la demande de l'auteure du témoignage.

Publicité

iStockphoto.com

La reconstruction mammaire expliquée

La reconstruction mammaire expliquée

Si certaines femmes ont recours à la reconstruction mammaire le jour même de l'ablation, d'autres doivent attendre que le cancer soit contrôlé (par des traitements de chimiothérapie ou de radiothérapie), alors que certaines patientes ne peuvent s'en prévaloir à cause de l'étendue de la maladie.

Chirurgien plasticien et esthétique à l'Hôpital Notre-Dame du CHUM, le D r Juan Carlos Cordoba explique la méthode d'intervention: «On utilise soit des prothèses (enveloppes de silicone contenant une solution saline ou du gel de silicone), soit des tissus de la patiente - on parle alors de reconstruction autogène ou par lambeau.» Le D r Cordoba ne travaille qu'avec des implants remplis de gel de silicone qui, selon lui, donnent une plus belle forme au sein. «Il y a toujours des risques de rupture, mais ces prothèses sont moins fragiles qu'avant. Et le silicone est de meilleure qualité.»

Que la reconstruction soit immédiate ou différée, la procédure est la même. «S'il reste assez de peau après l'ablation pour recouvrir la prothèse, on la pose immédiatement, ajoute le plasticien. Par contre, si l'enveloppe de peau n'est pas suffisante [comme dans le cas de Céline*], on insère un extenseur qu'on gonflera par la suite d'eau salée une fois par semaine - la peau du sein s'étire alors comme celle du ventre pendant la grossesse - jusqu'à ce que le tissu puisse recevoir la prothèse.» Pour plus de symétrie, il arrive qu'on procède simultanément au redrapage du sein non atteint. Certaines femmes en profitent pour obtenir du même coup une réduction ou une augmentation mammaire. Ces interventions peuvent se faire en chirurgie d'un jour et exigent deux ou trois semaines de convalescence.

Rarement préservé lors de la mastectomie, le mamelon peut être refaçonné par greffe de peau prélevée dans le pli de l'aine (ou près de la grande lèvre pour l'aréole) ou sur l'autre mamelon. «Certains le font en même temps que la reconstruction mammaire, dit le D r Cordoba, mais je préfère attendre que le sein ait repris sa forme avant de procéder.»

Pour la reconstruction autogène ou par lambeau, le chirurgien prélève du tissu (peau, gras et muscle ou peau et gras seulement) du bas du ventre, des fesses, des cuisses ou du dos pour refaire le sein. Il faut alors prévoir une hospitalisation de 5 à 7 jours, et une convalescence de 6 à 10 semaines.

Auparavant en faveur de la reconstruction immédiate, le D r Cordoba constate que les femmes qui vivent un temps avec leur mastectomie apprécient davantage le résultat final. «Celles qui reçoivent un implant tout de suite après l'opération sont rarement satisfaites parce que leur poitrine n'est pas comme avant. Elles n'ont pas vécu le deuil de l'ablation.»

Info: Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec ; Société canadienne des chirurgiens plasticiens.

Une bédé réconfortante

Illustratrice pour The New Yorker et Glamour , Marisa Acocella Marchetto est au sommet de sa carrière et vient de rencontrer l'homme de sa vie quand elle apprend, à 43 ans, qu'elle a un cancer du sein. Avec un humour décapant et une grande tendresse, cette fashionista avouée raconte dans Cancer and the City (éd. L'Iconoclaste) ses 11 mois de combat, puis sa victoire contre la maladie. Une bédé poignante, délirante, drôlement tonique et... combien inspirante!

La version originale de cet article a été publiée dans l'édition d'automne 2008 du magazine Vita .

Publicité

Commentaires

Il n'y a pas de commentaires pour le moment.

Laisser un commentaire

Les champs marqués avec * sont obligatoires.

Vous devez être connectée pour laisser un commentaire.

Envoyer à un ami

Les champs marqués d'un astérisque * sont obligatoires.

monVita

Inscrivez-vous pour commenter les articles, publier vos histoires ou encore, participer aux forums.


Bienvenue ! Se connecter , s'inscrire ou voir l'aperçu .

Publicité

Abonnement

Infolettre

Soyez au fait des nouveautés. Abonnez-vous dès maintenant.

Infolettre

Partenaires

Concours

"));