Magasinage: trop de choix?
Magasinage: trop de choix?
Bon, trêve de lamentations. Soyons honnête et jetons aussi un coup d'oeil sur l'envers de la médaille. Je suis bien obligée d'en convenir: c'est peut-être tuant, mais c'est merveilleux d'avoir le choix. L'abondance est un bonheur, et nos arrière-grands- mères nous trouveraient chanceuses de pouvoir en profiter.
Il y a très longtemps, les produits existaient simplement pour répondre à une nécessité: du pain pour se nourrir, une maison où se loger, un manteau pour avoir chaud. Puis, avec l'essor économique des pays industrialisés, une fois tous les besoins vitaux comblés, les désirs ont pu se manifester. De nouveaux produits sont apparus, plus nombreux, plus spécialisés. La créativité s'en mêlant, le superflu, le luxe, le beau et l'inédit ont trouvé place à portée de nos mains (et de nos portemonnaies!) sur les tablettes des magasins. Le marketing jouant à fond sur nos envies - et sur l'envie tout court -, la période de «l'appartenance» s'est amorcée. L'objet lui-même est dès lors passé en second lieu au profit de la marque. C'est elle qui nous démarquait. On l'endossait, on en faisait partie comme d'un club. Et ça, c'était hier à peine.
Aujourd'hui, la pub s'est encore raffinée. Son leitmotiv n'est plus «Tout le monde portera un jean» ni «Tout le monde portera un Levi's», mais «Chacun portera son jean». Sa marque, sa coupe, sa couleur. On n'achète plus, on s'exprime! On ne se procure plus ce qu'on aime, mais ce qu'on est . On le dit, d'ailleurs: «Moi, je suis très fibres naturelles» ou «très repas congelés».
Il ne s'agit plus de convaincre une clientèle, mais de répondre au goût de chacun des clients. Vive l'ère de l'individuation! Une trouvaille géniale vouée au succès: en effet, comment résister quand on vous offre la possibilité d'être unique au monde? À cet égard, nous ne sommes pas au bout de nos options: l'Américain Howard Moskowitz, docteur en psychologie comportementale, un monsieur très écouté dans son domaine, prône l'innovation de produits comme tests de marché. Au lieu de procéder à partir de simples sondages, on va bientôt nous titiller le désir d'acheter en nous proposant une manne de nouveautés parmi lesquelles on n'aura qu'à... choisir.
C'est de l'ouvrage, ça, madame! Pour les designers, pour les marchands (imaginez le stock inouï de marchandise à gérer!) et pour moi, pauvre consommatrice, qui devrai me dépêtrer de toutes ces tentations. Au bout du compte, faudra-t-il généraliser le sur-mesure sur commande? Plutôt que de farfouiller dans les étalages, chacun remplirait son formulaire d'achat dans Internet et passerait chercher son produit personnalisé au comptoir du coin. La techno de pointe nous permettra peut-être même bientôt, qui sait, de créer nos propres couleurs, nos outils, le design de nos meubles ou la texture de nos oreillers. La caverne d'Ali Baba et la lampe d'Aladin à mon service exclusif, quoi! Fini les pertes de temps! Fini le stress! Un fantasme à portée de clic. Plus personne ne ressemblerait à personne. Et chacun atteindrait au comble de son individualité.
Mais je fais quoi, en attendant ces jours heureux? Comment me sortir de l'enfer du magasinage? Je ne vois que deux solutions. Ou bien je m'abandonne à la simplicité volontaire et reviens aux seuls produits de première nécessité, histoire de réduire le plus possible le stress du choix. Ou bien je réfléchis sérieusement avant de me rendre au centre commercial. Pas franchement prête à sacrifier mon petit confort, j'ai privilégié la seconde option. J'ai donc dressé une liste de questions, auxquelles j'ai l'intention de répondre le plus honnêtement possible avant chaque blitz d'achats.
Quelle est cette liste de questions? Consultez-la dès maintenant!
La version originale de cet article a été publiée dans le numéro d'octobre 2010 du magazine Vita .