L'égoïsme chronique
L'automne dernier, alors que j'étais dans le métro en pleine heure de pointe, une femme mal accoutrée, dans la jeune cinquantaine, a bruyamment éclaté en sanglots. Comme tous les passagers, j'ai été très surprise d'assister en direct à ce triste spectacle. Mais ce qui m'a encore plus estomaquée, ç'a été de voir les gens s'écarter d'elle en bloc avant de monter aussitôt le volume de leur iPod, de se perdre dans la contemplation des afficheurs de Télécité ou de poursuivre nonchalamment leur conversation.
Je ne cherche vraiment pas à passer pour une sainte mais, comme j'étais assise tout près de l'éplorée en question, je n'ai pas pu faire autrement que de lui tendre un paquet de mouchoirs. Et vous savez ce qu'elle a réussi à bafouiller à travers son rideau de larmes? Que c'était le premier geste gentil qu'on avait envers elle depuis des semaines! Prise de court, j'ai failli me mettre à pleurer moi aussi. La dame faisait pitié, certes, mais j'étais surtout révoltée contre ce déplorable individualisme chronique qui n'encourage pas - c'est le moins qu'on puisse dire! - les élans de gentillesse.
«De façon générale, je trouve que les gens sont très centrés sur leurs propres besoins, renchérit Caroline, une rédactrice de 44 ans. En fait, ils sont tellement préoccupés par leur petite personne qu'ils oublient d'être à l'écoute des autres et de s'intéresser à ce qu'ils vivent. C'est quelque chose que je remarque, hélas, trop souvent. Par exemple, il y a quelques mois, mon chum s'est entraîné comme un fou pour participer à une importante compétition sportive. Eh bien, croyez-le ou non, aucun de nos amis n'a pris le temps de l'appeler pour lui souhaiter bonne chance. J'avoue que ça m'a fait de la peine.»