Toute vérité n'est pas forcément bonne à dire
Des ados à la maison, vous savez sans doute ce que c'est. Du mouvement, de l'action, beaucoup de «Maman?» par ci, de «Maman!» par là. Normal. Non pas que les pères ne soient pas eux aussi des «répondants» naturels, mais lorsqu'on se penche sur le temps passé ensemble ou le degré d'intimité des conversations, c'est la mère qui gagne haut la main, constate le psychologue Michel Claes, qui s'est penché sur la question dans L'univers social des adolescents 1 .
Devrait-on s'en plaindre? Pas moi en tout cas! J'adore ces confidences juvéniles qui me donnent accès, l'espace de brefs instants, au monde émotionnel de mes trois enfants. Mon seul bémol côté épanchements? Quand ce sont mes ados qui s'intéressent à... mon vécu. Là, je vous avoue que je ne suis pas très bavarde. Ai-je tort ou raison?
Toute vérité n'est pas forcément bonne à dire...
Nous étions assises dans la salle à manger de mon amie Maria* lorsqu'elle m'a raconté une surprenante anecdote au sujet de sa mère. «À l'époque, j'avais 12 ou 13 ans et je venais d'avoir mes premières règles. Maman m'a alors expliqué comment on s'y prend pour faire des bébés et elle a conclu son exposé en me disant que, plus tard, j'aurais peur d'avoir des relations sexuelles.»
Devant ma mine consternée, Maria a aussitôt éclaté de rire: «Je peux t'assurer que je n'ai pas pensé une seule seconde à ma mère au moment de mes premiers ébats charnels! Plus tard, par contre, j'ai réalisé que j'avais été chanceuse de ne pas avoir compris le sens de sa déclaration, car ce genre de propos aurait pu être dévastateur pour mon épanouissement sexuel. Du coup, je me suis promis de ne jamais discuter de mon vécu - qu'il soit négatif ou positif - avec mes enfants. Je ne veux pas que ça les influence, que ça colore leur manière de vivre leurs propres expériences.»
Pour la gynécologue et sexologue Marie Véluire, coauteure avec la journaliste Catherine Siguret du livre Les adolescents et la sexualité, 101 questions de mère 2 , il est clair qu'avant de partager certains éléments de notre histoire personnelle, on doit d'abord se demander «en quoi le fait de connaître notre passé (sexuel ou pas, plaisant ou non) peut aider le jeune à mieux se construire, ce qui est la nature même de notre rôle de parent, après tout!» rappelle-t- elle.
Pour la sexologue, en dire trop - ou pas assez - peut au contraire lui nuire: «Le risque consiste à offrir à l'enfant un modèle inadéquat et à l'enfermer dans une sexualité que sa mère a fini par choisir parce qu'elle lui convenait, à elle, au terme de toutes les expériences qu'elle a vécues au fil du temps. Or, pour devenir un adulte, un adolescent a besoin de se chercher. Il faut lui laisser faire lui-même cette quête.»
1.
Coll. Paramètres, Les Presses de l'Université de Montréal, 2003.
2.
Coll. Réponses, Robert Laffont, 2009.