Couple - Son ex, ses enfants, et moi, et moi…

Une histoire d'amour qui ne se joue pas à deux, mais à trois
Ce qui m'a marquée dans les contes de mon enfance, c'est la méchanceté des «marâtres». Pauvre Blanche Neige! Mais aujourd'hui, les belles-mamans mériteraient au contraire le titre d'héroïnes. «Pour elles, les écueils sont multiples, dit François St Père, psychologue et médiateur familial. Non seulement elles doivent réussir leur couple, mais il faut qu'elles se fassent accepter par les enfants de leur conjoint... et par leur mère.» Pas étonnant que certains y voient l'équivalent familial du sport extrême!

Prendre sa place
Quand elle a emménagé il y a six ans avec Larry, fraîchement séparé, Josée savait qu'il avait pendant la semaine la garde de ses deux enfants, Michael et Amélie, mais elle était prête à se dévouer. «Nous étions d'accord pour ne pas avoir d'autre enfant ensemble. Pour des raisons médicales, cela aurait été difficile pour moi. Je préférais profiter pleinement de la vie avec ces enfants-là.»
Elle ignorait encore qu'il lui faudrait déployer des dons exceptionnels: souplesse de contorsionniste, fermeté de Dame de Fer, sens de la communication et talent pour les «négos» à faire pâlir d'envie un vieux chef syndical! «La mère des enfants avait peur que je la supplante dans le cœur de Michael et d'Amélie. J'ai fini par lui dire: «Je ne veux pas te voler TA place. Je veux seulement prendre MA place.»

Elle a dû aussi tracer des limites avec fermeté. «Elle et moi, nous n'avons pas les mêmes valeurs en ce qui concerne l'éducation des enfants. Elle est plus permissive, comme mon chum. Je n'ai pas eu le choix: ayant à gérer la routine des jours d'école, je suis devenue la figure d'autorité, imposant des horaires, un système de points gagnés ou retirés... Au début, ça a créé un choc: personne n'était habitué à ça. Puis la mère des enfants s'est fait un nouveau chum, assez sévère. À partir de ce moment, j'ai eu un allié de son côté.»

Selon François St Père, il est bon que la nouvelle conjointe fasse preuve de fermeté, sans oublier pour autant les démonstrations d'affection. «Des câlins, je leur en donne beaucoup, dit Josée. Et c'est réciproque, car ce sont des enfants affectueux. N'empêche, quand ils rentrent de chez leur mère le dimanche soir, ils me disent:‘‘C'est plate ici, chez maman, on peut se coucher tard''. Je réponds: ‘‘C'est normal, elle vous a en fin de semaine!'' »

Elle a dû éclaircir la communication, parfois embrouillée par les «Maman dit que...». Josée ajoute: «J'ai toujours l'impression qu'à travers enfants, elle a le grappin sur ce qu'on fait». Selon François St Père, la situation est classique. «Les enfants essaient de tirer parti des deux côtés. Ils racontent les choses à leur manière, et cela peut aboutir à des situations explosives si on n'établit pas une communication franche.» Quant aux négociations, Josée y a recours au quotidien. «Pour la moindre chose, il faut définir les enjeux, les priorités, les besoins de chacun! Avec la mère des enfants, les sujets de discorde sont souvent les questions financières.»

L'atout gagnant: l'amour
Josée s'est démenée pour s'affirmer, mais certaines belles-mamans ont plus de fil à retordre avec l'ex de leur chum. «À une extrémité du spectre, dit François St Père, j'ai vu une ex qui envoyait au père un papier de la cour parce que la nouvelle conjointe avait coupé les ongles d'orteils de sa fille! Une autre refusait que la belle-maman accompagne ses enfants à leurs activités. D'autres prennent systématiquement des décisions concernant les enfants avec le père, boycottant la nouvelle conjointe. Mais à l'autre extrême, j'ai vu des ex s'entendre si bien avec la nouvelle compagne que tout le monde partait en vacances ensemble!» Selon lui, la situation s'arrange avec le temps. «Parfois, la mère biologique se retrouve elle-même dans une famille recomposée, et cela l'amène à avoir plus d'empathie.»

Oui, les défis sont nombreux. «Cela explique sans doute, dit le psychologue, que le taux d'échec des familles recomposées soit encore plus élevé que pour une première union: de 60 % à 72 %, avec une durée de vie moyenne de seulement quatre ans.»

Quelques conseils si vous préférez vous retrouver du bon côté des statistiques.

• Définir son rôle, dès le départ, avec son nouveau conjoint. S'assurer qu'il a réglé son passé.
• Préserver l'intimité de son couple. L'ex fait partie de la famille, même si elle n'est pas dans le décor. Mais il y a des limites... Et votre meilleur atout, c'est un couple fort.
• Respecter le rythme des enfants: pendant environ deux ans, ils conservent le rêve de réunion des parents et se sentent en conflit de loyauté par rapport à leur mère. Mieux vaut gagner progressivement leur affection.
• Faire sentir aux enfants qu'ils sont appréciés.
• Toujours faire passer leur bien-être avant ses émotions.

La plus grande peur de Josée? «Ce serait que les enfants me rejettent après tout l'amour que j'ai investi. J'en aurais le cœur brisé.» Mais il y a un an, son chum lui a fait la «grande demande», et elle a réservé une surprise à tout le monde pendant la cérémonie. «Avant le oui traditionnel, j'ai fait venir les enfants et j'ai échangé des anneaux avec eux. Je voulais qu'ils sachent que je serais là pour eux toute la vie. Ce sont des pré-ados qui veulent avoir l'air tough, mais ils ont tout de même eu quelques larmes... »

Des livres pour vous aider
En librairie:
Familles recomposées, un défi à gagner , de Sylvie Cadolle (Marabout)
Du nouvel amour à la famille recomposée , de Gisèle Larouche (Éditions de l'Homme)
Et aussi dans certaines bibliothèques :
Traité de savoir-vivre à l'usage des familles recomposées , de Danièle Laufer (Calmann-Lévy)

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