Les hommes préfèrent les Germaines

Je me suis posé la question à plusieurs reprises, en voyant des ex-chums, autrefois jaloux de leur indépendance, filer doux aux côtés de femmes qui tiennent les rênes. Suis-je passée à côté de la «track» en refusant la méthode forte? J'ai sondé quelques hommes de mon entourage.

Bertrand a été le plus loquace sur le sujet. «J'ai connu une Germaine, mais ça n'a duré que six mois. Chaque fois que je lui demandais si la Terre allait arrêter de tourner si je n'organisais pas le lave-vaisselle à son goût, elle faisait la baboune. Entre nous, c'était la guerre des petits détails!» D'après lui, la tolérance à la Germaine est une question de tempérament: Louis, son meilleur chum, vit avec un spécimen de Germaine 100 % pur jus depuis dix ans, et ça marche. «La fin de semaine, elle lui fait des listes de choses à faire, et elle l'affiche sur le frigo. C'est elle qui décide des activités des enfants, des vacances. C'est elle qui prend les billets d'avion.» Louis évite prudemment toute attaque frontale. «La situation fait son affaire, commente Bertrand. Sa blonde aime gérer la sphère domestique, lui, ça l'ennuie.»

C'est qui, le boss?
Mais Louis n'hésite pas à traiter sa blonde de Germaine quand elle dépasse les bornes. D'où vient-elle, cette appellation péjorative?

S'il est difficile de remonter au petit plaisantin (à supposer que ce soit un homme!) qui, le premier, a associé les verbes «gérer» et «mener» dans ce prénom déjà démodé, il y a 80 ans, on l'entend depuis longtemps. «Quand j'étais enfant, j'entendais mes oncles le dire à propos des mères de mes amies», se souvient Marcia Pilote, 42 ans, animatrice et comédienne, coproductrice avec sa sœur Brigitte de l'émission de webtélé Les Germaines.tv , où deux amies, France et Martine, ventilent leurs frustrations au téléphone. «Et depuis une dizaine d'années, j'ai remarqué une recrudescence du terme chez les hommes.»

Il est vrai que dans l'imaginaire de l'homme québécois, la Germaine n'est qu'une des incarnations de femmes à poigne qui ressurgissent régulièrement pour pimenter la guerre des sexes. Récemment, on a eu Lyne-la-pas-fine, «louve des SS» de la télésérie Les Invincibles . «Ça, c'est un cas extrême, qui frappe l'imaginaire, mais qui est peu représentatif de la réalité la plus large», dit Julie Bourbonnais, spécialiste en psychologie organisationnelle.

De même, les cas pathologiques cités par la psychologue clinicienne Eliane Jung-Fliegans dans son livre Violence au féminin et sexualité , évoquant des hommes dont la femme a pris tellement de place dans la maison qu'ils n'ont pas un seul coin à eux ni un objet personnel. «Dans la vie ordinaire, il y a des frictions, des luttes de pouvoir qui viennent du fait que les rapports entre hommes et femmes sont en redéfinition, mais la plupart des couples arrivent à un équilibre.

Jamais sans ma Germaine
Comment expliquer qu'à une deuxième union, de nombreux hommes tombent sous la coupe d'une control-freak après des années avec une conjointe accommodante? « Beaucoup d'entre eux, dans leur enfance, ont vu leur mère mener la maison, dit Julie Bourbonnais. C'est pourquoi se retrouver aux côtés d'une femme contrôlante, surtout pour un homme fragilisé par un échec amoureux, ça a quelque chose de rassurant. C'est un peu la résurgence de la figure maternelle.» Selon elle, il est inexact de dire que la Germaine est un être profondément dénué d'humour. «Elle peut exercer son autorité de manière chaleureuse, avec de l'autodérision... comme nos mères savaient le faire.»

Germaine versus mollusque?
Un autre préjugé à pourfendre, c'est le fait que les Germaines attirent les invertébrés (du type Carlos dans Les Invincibles ), comme le rocher battu par les marées abrite l'huître.

Mon amie Micheline, 61 ans, a trois frères au caractère bien trempé qui filent le parfait bonheur avec des Germaines. Loin d'être des castratrices hystériques, elles forment avec leur compagnon des couples très complémentaires, style tenon et mortaise.

«Mon plus jeune frère est un peu susceptible: sa Germaine le mène en douceur, main de fer dans un gant de velours. La seconde freine et structure mon autre frère, qui a tendance à s'éparpiller dans tous les sens.»

La dernière, c'est la Germaine telle qu'on la voit généralement. «Un vrai bulldozer! Mais elle apporte beaucoup d'énergie à mon frère, un peu trop calme. Elle met de l'animation dans sa vie.»
Devant la télé, elle appuie sur la zapette et négocie après... mais si c'est un film de fille, «c'est pas négociable». Ce qui convient à son homme: quand il voit sa Germaine heureuse, il est heureux

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