Stress au travail – Une pause s'impose!

Il est 17h25 quand j'arrive au café où nous avons rendez-vous. Essoufflée, stressée, pressée. Quand le docteur Serge Marquis se présente, je mobilise mes dernières forces pour me mettre en mode écoute. Au bout de quelques minutes, il me semble que je respire mieux. Cet homme, originaire de Québec, me fascine! Il a manifestement compris quelque chose que je n'ai pas encore assimilé. Son agenda est rempli jusque dans les marges et pourtant, il semble avoir tout son temps...

Dr Stress
«Quand je pratiquais en médecine générale, au début de ma carrière, raconte le docteur Serge Marquis, je me suis vite rendu compte que les patients me parlaient moins de leurs problèmes de dos ou de digestion que d'eux-mêmes: leur style de vie, les relations qu'ils avaient avec leur entourage, leur travail. De leur propre chef, ils expliquaient une partie de leur maladie par leurs conditions de vie. Et le stress au travail émergeait comme un facteur central de leurs problèmes.»

Pour le Dr Serge Marquis, l'équation était simple. Si l'on arrivait à diminuer les facteurs de stress, on diminuerait sans doute les risques de maladie. C'est dans cet esprit qu'il a décidé d'aller à Londres se spécialiser en médecine du travail. Des études qui lui ont confirmé ce dont il se doutait déjà: le stress en milieu de travail pouvait être dévastateur autant sur le plan psychique (dépressions, anxiété, burnout), comportemental (absentéisme, présentéisme...), intellectuel (manque de concentration, de vigilance, de mémoire...) que relationnel (problèmes de violence, de harcèlement, abus). «Quand je suis revenu d'Angleterre, raconte le docteur, je savais que je consacrerais ma vie à la santé mentale en milieu de travail.»

Une véritable épidémie...
Aujourd'hui, le docteur Marquis gagne sa vie à donner des conférences à travers le Québec. Tous les milieux le réclament. Pas étonnant, quand on sait que le nombre de cas de burnout et de dépressions a monté en flèche. «Au début des années 80, moins de 2 % des prestations d'invalidité de longue durée étaient associées aux troubles psychiques, cite-t-il. En 2007, ce chiffre avait grimpé à 75 %. C'est une véritable épidémie.»

Une contagion qui s'explique en partie par les changements que les milieux de travail ont connus. «Il y a 100 ans, rappelle Serge Marquis, moins de 7 % des gens gagnaient leur vie en se servant de leur tête. Les autres se servaient de leurs mains, travaillaient la terre, coupaient des arbres, construisaient des maisons... Aujourd'hui, 75 % des gens travaillent avec leur tête. Quand on en demande trop à nos muscles, la douleur nous arrête. Mais qu'arrive-t-il quand notre tête travaille trop? Maintenant, la surcharge, elle est là.»

À cela s'est ajouté l'effet pervers d'Internet. Non seulement nous avons davantage de choses à faire, mais il faut accélérer le rythme. «Quand on envoie un courriel, on attend une réponse dans les heures, voire les minutes qui suivent. Notre rapport au temps s'est complètement transformé.»

«Aujourd'hui, le travail est devenu un espace de construction identitaire, ajoute Serge Marquis. On se définit par son travail. La question classique que tous, nous posons aux gens que nous rencontrons, c'est : ‘‘Qu'est-ce que tu fais dans la vie?'' Et si vous ne faites rien de particulièrement original ou, pire, si vous ne travaillez pas, vous vous sentez coupable, pas à la hauteur. C'est terrible! Ce que nous sommes n'est pas ce que nous faisons. Notre travail a bien sûr une certaine importance, mais il ne faut surtout pas que ça devienne le seul espace de construction de notre identité.»

Reconnaître ses limites
Mais comment ne pas suivre le rythme, même s'il est infernal? Comment ralentir sans risquer de perdre son emploi? Comment diable être performant et zen?

Pour le docteur Marquis, nous avons quelque chose à apprendre de cette crise que nous vivons. «Il y a un mot qu'on n'ose plus prononcer, et c'est le mot «limites». On nous parle constamment de dépassement de soi, de performance, de réussite, d'excellence, mais on oublie une chose: c'est que même parmi les athlètes d'élite, un seul arrivera premier. On fait des courbettes devant les médaillés d'or, mais les 4e, 20e et 75e, ont-ils vraiment moins travaillé que le premier? Je n'en suis pas sûr... »

Le docteur Serge Marquis en est convaincu: il nous faut arriver à prendre du recul et nous demander pourquoi nous avons donné autant d'importance à cette seule dimension de notre existence qu'est le travail. Pourquoi avons-nous à ce point besoin d'être appréciés, aimés, reconnus, par notre travail? «Qu'est-ce qui nous rend vraiment heureux? Qu'est-ce qui vaut la peine d'être vécu? Je crois profondément que cette crise peut conduire l'être humain à une réflexion en profondeur sur le sens même de sa vie.»

Pour en savoir plus: www.tortue-marquis.com/serge.html

Des livres inspirants (suggestions de lecture du Dr Marquis)

• Priorités aux priorités , de Stephen R. Covey (Éditions FIRST)
• Les mots sont des fenêtres ou des murs , de Marshall B. Rosenberg (Éd. Jouvence)
• La communication non violente au quotidien , de Marshall B. Rosenberg, (Ed. Jouvence) «Je le recommande particulièrement» , précise Dr S. Marquis.
• Guérir , de David Servan-Schreiber (Éd. Robert Laffont)
• Grandeur et misère de la modernité , de Charles Taylor (Éd. Bellarmin)
• Le pouvoir du moment présent , de Eckhart Tolle (Éd. Ariane)
• Mettre en pratique le pouvoir du moment présent , de Eckhart Tolle (Éd. Ariane)