• Envoyer
  • Imprimer
  • Favoris
  • Document user evaluation
    (1 personne)

Michelle Blanc : une nouvelle femme

Michelle Blanc a changé de sexe pour être enfin heureuse. Rencontre avec une femme qui n’a pas eu peur de se donner un nouveau genre.

Modifié le :
2010-11-15 13:14
Publié le :
2010-11-15 12:32
Par:
Karine Vilder
Michelle Blanc

Marie-Laurence Grenier-Trempe

Michelle Blanc : naître dans le «mauvais corps»

Être une femme dans un corps d'homme, c'est moduler sans cesse sa voix sur une note discordante. Et en attendant d'avoir l'air et la chanson, Michelle a très longtemps déchanté. D'ailleurs, à peine Jean-Pierre Ferland commençait-il à composer Les femmes de 30 ans qu'elle s'étonnait déjà d'entendre tout le monde l'appeler Michel. «Depuis ma plus tendre enfance, mon cerveau me dit que je suis une femme, et j'ai dû lutter contre ça toute ma vie», confirme-t-elle.

À l'heure actuelle , lorsqu'il est évident qu'un enfant n'est pas né dans le bon corps - ce qui se détecterait vers l'âge de quatre ans -, il a de fortes chances d'échapper au cauchemar existentiel du petit Michel. Un coup de fil à l'Association des transsexuels et transsexuelles du Québec m'a ainsi appris que près d'une dizaine de jeunes élèves évoluaient présentement incognito dans les cours d'école en n'affichant pas le sexe inscrit sur leur acte de naissance, et ce, grâce à un suivi médical et psychologique sérieux.

Si Michelle était venue au monde au cours de ce siècle-ci, elle n'aurait donc pas eu à se travestir dès l'adolescence pour permettre à son côté féminin de s'exprimer et elle n'aurait certainement pas été contrainte d'attendre quatre longues décennies avant d'entamer, en août 2007, sa lente transition d'homme à femme. «Même en 2010, la transsexualité est un demi-tabou, assure-t-elle. On a encore l'impression qu'elle concerne essentiellement des gais qui ne s'assument pas. Pourtant, la grande majorité des transsexuelles ont d'abord été des hétéros très virils qui, lorsqu'ils changent de sexe, restent aux femmes.»

Publicité

Michelle Blanc : accepter sa nouvelle identité

Après avoir suivi une formation d'officier d'infanterie , joué au football et été bouncer, Michelle parle en toute connaissance de cause. Celles qui lisent son blogue -l'un des plus influents de la francophonie - savent aussi déjà qu'elle vit en couple avec Bibitte (le surnom affectueux qu'elle donne à sa dulcinée pour préserver son anonymat) depuis belle lurette. En revanche, ce qu'elles ignorent peut-être, c'est que Bibitte a vraiment été en bibitte lorsqu'elle a découvert, il y a une quinzaine d'années, que son beau Brummell se travestissait. «Passé l'état de choc, elle m'a demandé de ne plus le faire tant qu'on serait ensemble. Pendant 10 ans, j'ai tenu promesse. Ça a donc été un gros drame la fois où j'ai laissé traîner une robe. Mais comme on s'aime énormément, elle a décidé de rester ouverte devant ce qu'on vivait.

Se choisir, c'est accepter sa nouvelle identité et la rendre socialement viable pour soi et pour les autres. «Aujourd'hui, des gens me disent: "Je respecte ton choix." Ils ne réalisent pas que ça n'a pas été un choix: ou bien je me payais une dépression sévère jusqu'à la fin de mes jours - Michel est d'ailleurs passé à deux doigts de se suicider - ou bien je devenais enfin une femme.»

Bref, au lieu de s'abonner à vie aux antidépresseurs , il a opté pour les hormones. Et en juillet 2008, 25 000 $ et huit heures d'intervention chirurgicale sont échangés contre des implants aux pommettes, un sablage du menton, un nouveau nez, des arcades sourcilières typiquement féminines et un front au contour adouci. Un an plus tard, une chirurgie génitale et une augmentation mammaire transforment définitivement Michel Leblanc en Michelle Blanc. «Pour ma conjointe, ça a été très dur, parce qu'elle a dû faire le deuil de l'homme qu'elle aimait afin de découvrir la femme que j'allais devenir, explique Michelle. On me demande souvent si elle est lesbienne. À mon avis, ce n'est pas pertinent, car il y a de nombreuses manières d'exprimer son amour et de vivre sa sexualité. En fait, elle a eu plus de problèmes avec ma médiatisation qu'avec ma transformation.»

Publicité

Michelle Blanc : assumer son nouveau «moi»

Il faut savoir que la plupart des transsexuelles et des transsexuels décident généralement de changer de nom et de ville. En effaçant toute trace de leur passé, ils peuvent repartir à neuf sans se soucier des qu'en-dira-t-on. Mais en ce qui concerne Michelle, pas moyen de fuir le passé: «Je m'étais tellement investie côté carrière que je ne voulais pas "flusher" ça! Et comme j'ai toujours été médiatisée parce que je suis une experte en marketing Internet, mon coming out allait forcément déranger.

Je ne savais pas trop comment le faire jusqu'à ce qu'un ami me dise: "Tu donnes des conférences sur l'authenticité sur le Web, alors il faut que tu en parles." J'ai donc écrit mon billet de coming out. La semaine suivante, je faisais la une de La Presse. Ensuite, j'ai refusé d'accorder d'autres entrevues. Je ne voulais pas faire un spectacle de moi-même et je ne voulais pas que ma transition soit traitée de façon sensationnaliste.»

En novembre 2008, Michelle accepte cependant de passer à l'émission Tout le monde en parle afin d'aider la société à mieux comprendre la réalité des transsexuelles et des transsexuels. «Après mon intervention, le gouvernement a décidé de couvrir les frais liés à l'opération de réattribution de genre. Avant, même si un des trois meilleurs chirurgiens de la planète pratique à Montréal, il fallait aller en Europe de l'Est. À présent, le gouvernement paie pour cette plastie lorsqu'on suit le processus thérapeutique prévu.»

Au cours de son passage à l'émission , on a aussi appris que Michelle avait désormais de la difficulté à se stationner. Si ça a fait rigoler l'assistance, c'est pourtant loin d'être le changement le plus surprenant: depuis qu'elle prend des hormones , elle accorde en effet davantage de place à la tendresse qu'à la sexualité. Enfin la preuve flagrante qu'au lit nos besoins ne sont pas identiques à ceux des hommes! «Pire que ça, femmes qui suivent un traitement hormonal pour changer de genre deviennent au contraire obsédées par le sexe!» s'exclame-t-elle.

Publicité

Michelle Blanc : à la découverte de la féminité

Et ce n'est pas tout . Maintenant qu'elle peut porter robes et escarpins sans craindre les foudres de Bibitte, Michelle n'aime plus bricoler, elle sacre moins, elle a de la difficulté à pelleter parce que ses muscles ont fondu comme neige au soleil (elle a d'ailleurs commencé à faire de la cellulite!) et elle se sent infiniment plus sereine. «Je suis heureuse comme jamais je ne l'ai été dans ma vie, même si les réactions de ma famille à mon égard sont encore mitigées, confie-t-elle. Mais il y a trois semaines, j'ai mangé avec mon père. Il semblait vraiment impressionné par mon look et il m'a dit: "Michelle, tu es devenue une très belle femme."Je ne le serai pourtant vraiment que dans deux ans, lorsque les hormones qu'on me prescrit auront agi complètement. Entretemps, je suis encore en pleine puberté, et il me reste beaucoup de choses à découvrir. Je commence par exemple à me faire cruiser par les hommes et je ne sais pas trop comment réagir ...»

Dans l'oeil du cyclone
Une femme sur 50 000 souhaitera un jour ou l'autre devenir un homme, affirme Michelle Blanc, qui conseille à celles qui se sentent concernées de commencer par trouver un psychologue spécialisé dans les problèmes d'identité. «Il n'y en a pas beaucoup, et si on va voir quelqu'un qui connaît mal cette question, il peut nous dire bien des bêtises.

Dans l'intervalle, la ligne d'écoute gratuite de l'Association des transsexuels et transsexuelles du Québec (514 254-9038) peut se révéler très utile. Mais tant que la transition n'est pas une nécessité absolue, on n'entame aucune démarche: on ne fait pas ça parce que ça nous tente, mais parce qu'on n'a pas le choix.» On peut se faire une meilleure idée de tout ce que comporte une telle démarche en visitant le site Femme 2.0 .

La version originale de cet article a été publiée dans le numéro de Novembre 2010 du magazine Vita .


À LIRE AUSSI :

Apprivoisez les sites de réseautage selon Michelle Blanc

Six étapes pour se réinventer


Retour à la section sexualité

Publicité

Commentaires

Il n'y a pas de commentaires pour le moment.

Laisser un commentaire

Les champs marqués avec * sont obligatoires.

Vous devez être connectée pour laisser un commentaire.

Envoyer à un ami

Les champs marqués d'un astérisque * sont obligatoires.

monVita

Inscrivez-vous pour commenter les articles, publier vos histoires ou encore, participer aux forums.


Bienvenue ! Se connecter , s'inscrire ou voir l'aperçu .

Publicité

Abonnement

Infolettre

Soyez au fait des nouveautés. Abonnez-vous dès maintenant.

Infolettre

Partenaires

Concours

")); "));