Retour sur soi
J'avais 15 ans. Ma famille et moi traversions les États-Unis et le Mexique en voiture pour nous rendre à Acapulco. Du sud du Texas à Mexico, le paysage s'est résumé à un long et interminable désert s'étendant à perte vue. Le désert du Chihuahua m'effrayait. J'avais peur des insectes, des scorpions, des cactus et des serpents. Je me souviens très distinctement d'un moment en particulier. L'auto était arrêtée. Je lisais un roman quand j'ai levé les yeux. Des hommes portant des iguanes dans leurs bras entouraient la voiture. Paniquée, j'ai hurlé! À l'époque, les seuls iguanes que j'avais vus servaient de monstres dans des films d'horreur japonais!
Vingt-cinq ans plus tard, alors que je partageais ma vie avec un Mexicain, Edson Mario, ma peur du désert et de la faune qui l'habite ne s'était pas évanouie. Edson, lui-même «un fils du désert», m'avait alors proposé d'aller camper pendant trois jours dans un désert. Rassurant, il m'avait promis que je n'avais rien à craindre puisqu'il serait à mes côtés. C'était l'occasion rêvée de confronter mes peurs. Je l'ai saisie.
De Mexico, nous nous sommes rendus à Matehuala, une petite ville au sud de Monterrey, Nous y avons passé une nuit avant de nous rendre à Real de Catorce. En camion, nous avons emprunté le «Túnel de Ogarrio». Ce long tunnel de 2,3km, creusé dans le roc et éclairé par des lumières jaunâtres, était le seul accès à l'ancienne ville minière. Real de Catorce est une cité un brin surréaliste. Toute en pierre, elle est aussi mythique que mystique. Frappée par la désertification, elle fait l'objet de maintes légendes entretenues par des chamans huicholes. On s'y sent déjà loin de tout.
Avant de pénétrer dans le désert, chacun se doit de s'arrêter dans la vieille chapelle de Real de Catorce. Les Mexicaines que j'y ai rencontrées ont toutes tenté de me dissuader d'aller camper dans le désert. Le regard horrifié, elles se signaient en m'offrant des objets religieux pour me protéger des mauvais esprits. Même si elles vivent aux portes du désert, ces femmes n'y mettent jamais les pieds. Pour elles, il s'agit d'un lieu dangereux, presque maudit. Ces mises en garde pour le moins inquiétantes avaient de quoi m'ébranler. Edson, lui, rigolait: «Puras supersticiones! Elles ont peur de l'inconnu. Ce sont des ignorantes.» À Montréal, je lui avais dit «oui». Au cœur du Mexique, j'étais bien décidée à ne pas reculer, à aller jusqu'au bout.