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Renée Claude Brazeau: À contrecourant

À nouveau maman à 44 ans, follement amoureuse et affranchie de tout ce qui lui pesait, l'auteur de La Galère ne craint ni les eaux troubles ni le remous.

Modifié le :
2010-01-11 15:17
Publié le :
2010-01-07 15:52
Par:
Manon Chevalier

Manon Boyer

Renée Claude Brazeau: Le calme après la tempête

Je m'attendais à tout, sauf à une rencontre aussi émouvante. Après tout, Renée-Claude Brazeau avait la réputation d'être une femme, une auteure et une productrice exaltée, pas toujours facile à vivre.

Et avant qu'elle arrive dans le hall de l'Hôtel Nelligan, où elle m'a donné rendez-vous, je me rappelle ses coups de griffe à La fosse aux lionnes , ses coups de gueule à Il va y avoir du sport et ses coups d'éclat à Tout le monde en parle ... Je pense aussi à son parcours atypique, qui l'a propulsée d'une chronique culturelle radio à la coanimation télé de La fosse aux lionnes , en passant par l'animation olé olé de Je regarde, moi non plus et à celle de la première mouture de Loft Story .

Le calme après la tempête
Tout ça me trotte dans la tête au moment où elle pousse la porte de l'hôtel, ultradécontractée, en tenue de yoga et sandales à talons plats. Plus grande que je ne l'imaginais et filiforme malgré sa récente grossesse, elle affiche un visage nu, les cheveux simplement retenus par une bobby pin . Exit l'image de la supposée diva en talons aiguilles! D'entrée de jeu, elle m'avoue avoir garé sa Land Rover dans une zone interdite pour ne pas être en retard. «Je vais avoir une contravention, tu crois?» Désarmante de naturel, elle fait tomber mes aprioris. La vraie rencontre peut commencer.

Bien calées dans une vaste banquette, il nous faut à peine deux minutes pour aller à l'essentiel. Normal, Renée-Claude (un prénom reçu à sa naissance, à Hull, en l'honneur de la chanteuse Renée Claude) avoue être allergique aux conversations superficielles. À bien d'autres choses aussi: la surconsommation, l'avalanche de livres de psycho pop, les listes de critères qui empêchent les rencontres amoureuses, la routine et le féminisme obtus. Et quoi encore? Ah oui, elle a une sainte horreur des dictats et des destins tracés d'avance. À bien y réfléchir, ce n'est pas qu'elle les déteste; elle en fait fi pour vivre sa vie, tout simplement.

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Manon Boyer

Renée Claude Brazeau: Le goût du bonheur

Mais d'où lui vient cette envie folle de provoquer et de ne jamais rien faire comme les autres? «Je n'ai jamais voulu ça, moi! Tu sais, j'ai eu une éducation assez rigide: ma mère était stricte sur la discipline.

Et je crois que je suis devenue son contraire en réaction à cette éducation. Que veux-tu, c'est toujours la faute de la mère! D'ailleurs, c'est ce que je dis à mes enfants par autodérision: "Quoi qu'il arrive, toutte est de ma faute!" Je rigole, mais vient un moment où il faut cesser de tout mettre sur le dos de sa mère et s'assumer simplement.

Heureusement, j'ai évolué depuis mes débuts. J'étais trop exaltée, je le sais. J'étais énervée et énervante, autant à la télé que pour mon entourage. J'ai réglé ça... après quelques années sur le divan! (fou rire) Mais bon... Je suis plus posée et j'aime ça.» Apaisée? «Je ne sais pas, j'ai longtemps carburé aux rapports de force, mais c'est chose du passé. Aujourd'hui, je ne veux que de la gentillesse autour de moi, sinon rien.»

Le goût du bonheur
À 44 ans (elle avoue avoir toujours menti sur son âge, tyrannie de la télé oblige), Renée-Claude nage en plein bonheur. Elle a rencontré l'homme de sa vie et a récemment donné naissance à son quatrième enfant, la petite Sofia, âgée de quelques mois seulement.

«Je suis assez fière de mon parcours, en fait. Avant, j'avais une certaine gêne à dire que j'avais trois enfants de pères différents; ma vie avait l'air désordonnée, et je me justifiais beaucoup. Alors, imaginez en avoir un quatrième à la mi-quarantaine avec un autre homme qui, de surcroît, vit à Paris! Non, il ne viendra pas s'installer ici; et non, je n'irai pas habiter en France. Du moins pas pour le moment...», dit-elle entre deux gorgées de San Pellegrino.

Entre nous, bien des femmes auraient eu peur de se lancer dans une telle... galère. Pas elle. «Tu sais, mes ex avaient beau m'engueuler en me traitant d'irresponsable, moi, je savais que j'avais raison. Tout ce que je voulais, c'était que mes enfants, mon chum et mes parents soient heureux. Et tu sais quoi? Le destin [un mot qui reviendra souvent au cours de notre entretien] m'a donné raison. Ma petite Sofia est là, et on est tous très heureux. Ça me donne envie d'en avoir un cinquième. Mais bon, passé 45 ans, je ne sais pas si ce serait vraiment raisonnable», s'interroge-t-elle, en s'excusant presque de son actuel état de grâce où tout lui semble facile.

Pas étonnant lorsqu'on sait qu'à 26 ans elle a élevé seule son premier enfant, touchant de l'aide sociale pendant deux ans avant de trouver du boulot et son équilibre. Aujourd'hui, elle se considère comme une meilleure mère: «J'ai appris avec l'expérience. Il y a des trucs que je ne fais plus, comme céder à toutes les envies de mes enfants. Je suis plus présente, je les stimule davantage, sans les étourdir. Il faut les laisser un peu s'ennuyer et beaucoup respirer.»

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Manon Boyer

Renée Claude Brazeau: La galère qu'on aime

Ce manifeste de liberté s'exprime aussi par l'amour. «C'est un don de Dieu de pouvoir tomber facilement amoureuse: c'est la plus belle chose que la vie peut nous offrir.Et je suis une grande amoureuse.»

Elle avoue pourtant avoir mis du temps à s'éprendre de son nouveau chum, un architecte français qui lui a fait une cour assidue pendant un an. «Sa persévérance et sa force m'ont séduite. Il est brillant et drôle, et il n'a pas peur de moi. Je le fais rire et il me rassure. Il y a vraiment une flamme entre nous. Et puis, comme m'ont dit mes amies, "il habite loin, ça va marcher"»!

Après quelques échecs, Renée-Claude l'avoue maintenant sans complexe: elle ne peut pas vivre avec un homme. «Quoi qu'on en dise, entretenir la flamme, ça prend beaucoup d'alcool, tranche-t-elle en riant. Le quotidien tue le couple.» C'est d'ailleurs de cette prémisse qu'est née La galère , où elle a réuni dans la même maison quatre femmes et leurs sept enfants sans un seul mâle adulte.


La galère qu'on aime

Coup de coeur télévisuel de 2007, La galère revient au petit écran en septembre après un hiatus d'environ deux ans, en raison notamment de tensions maintenant dissipées avec les coproducteurs.

Renée-Claude a-t-elle peur qu'on ait oublié ses personnages? «Oui, mais en même temps, je me dis que l'attente nourrit le désir.» Si elle pouvait décrire chaque fille en un mot, que dirait-elle? «Stéphanie: libre; Isa: frustrée; Claude: folle; Mimi: pathétique, non... triste.» Plus vraies que nature, ses quatre héroïnes expriment ouvertement le côté obscur de la maternité et du couple. Elles sont sincères - qualité rare - et ne se jugent pas.

Un trait commun vital pour Renée-Claude, qui retrouve cette particularité chez ses meilleures amies, des femmes dans la trentaine et la quarantaine, adeptes comme elle du vivre et laisser vivre. Ce qui ne l'empêche pas d'émettre un point de vue d'auteure. «Maintenant, chaque fois que je finis d'écrire un épisode, je me demande si j'ai fait un statement . Une sorte d'éditorial, que ce soit sur les leurres de la psycho pop ou sur les prétendus orgasmes de 347 secondes...» Elle n'en dira pas plus.

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Manon Boyer

Renée Claude Brazeau: une fille de clan!

Le vrai bonheur professionnel, elle estime l'avoir trouvé il y a deux ans, à 42 ans, alors qu'elle a quitté l'animation, troquant le micro contre le clavier.

«J'ai porté La galère pendant neuf ans. Et je peux dire aujourd'hui que l'écriture m'a transformée. Elle m'a permis de sublimer le complexe d'infériorité que j'ai eu toute ma vie envers ma soeur plus jeune - que j'ai toujours tenté d'imiter sur le plan professionnel - et envers les autres. La télé, c'est fini. Tout ce que je veux faire maintenant, c'est écrire et voyager.»

Elle est d'ailleurs à imaginer une nouvelle série sur un sujet tabou. «J'ai envie de parler des bitches , ces femmes frustrées de 40 à 55 ans qui abusent et usent mal de leur pouvoir. Évidemment, les femmes préménopausées ne sont pas toutes comme ça, insiste-t-elle deux fois plutôt qu'une, mais les bitches , ça existe.» Voilà qui promet.


Ensemble, c'est tout
Redoutable fille de clan et de famille, Renée-Claude ne vit que pour rassembler ceux et celles qu'elle aime. «Je rêve d'emmener toute ma tribu en voyage: mes parents, mon chum, mes enfants, ma soeur, mes ex et leurs enfants, mes amies... Je les aime tellement!» Un besoin viscéral d'être entourée - même si elle clame être très bien seule - qui lui fait craindre plus que tout la perte d'un de ses proches. Et qui l'amène à une émouvante révélation: «Pour moi, la mort est un traumatisme immense. Immense... J'ai perdu mon petit frère.» Silence. «Il est mort à quatre ans, noyé. C'était moi qui le surveillais. J'avais 11 ans... Je me dis que la douleur sera un jour moins vive, mais non...»

Elle pleure et j'arrête le magnéto, bouleversée. Un ange passe, puis deux. Cet aveu éclaire soudainement son inépuisable désir d'enfants, son besoin de combler le vide et la mise au monde de ses héroïnes de La galère . «Oui, il y a sûrement de ça», souffle-t-elle en agitant la main devant ses yeux pour chasser ses larmes. «Je fumerais bien une cigarette, pas toi?»

On finit l'entrevue dans la rue, devant sa voiture. Pas de contravention. Soulagée, elle allume une extralégère et s'enflamme : «Je t'assure qu'à 44 ans le meilleur est devant moi. Je le dis aussi à mes amies, qui ont à peu près mon âge: "Les filles, le-meilleur-est-devant-nous!" Les plus belles amours, les plus belles jobs, les plus beaux enfants, les plus beaux voyages... Il faut cesser d'attendre et vivre sa vie! Il faut trouver une façon d'avancer. Non mais, attends! Si le meilleur n'est pas devant nous, pourquoi on est là?» Je parie que Mimi, Claude, Isa et Stéphanie se le demandent aussi.

Photo: Manon Boyer, photographe

La version originale de cet article a été publiée dans le numéro de Septembre du magazine Vita .

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Commentaires

  • tonine's avatar tonine a écrit :

    2010-01-12 11:14 PM

    Renée Claude Braseau, tu es comme un cheval fringant que l'on retient a plein cordeaux au début de la course et que l'on relâche a quelques tours de la fin, ce genre de cheval gagne presque tout le temps . J'ai été très ému lorsque tu racontes la perte de ton petit frère, j'essaie de m'imaginer ce que tu as du vivre a ce moment de ta vie. Il y a des blessures qui ne guérissent jamais, il faut vivre avec, mais je pense que c'est ça qui moule des caractères forts et réfléchis. Tu fais bien de ne pas suivre le courant et d'avoir tes propres idées et ton jugement a toi,il devrait en avoir plus de gens comme ça dans notre société. En plus tu travailles pour le futur avec tes quatres enfants, bravo.Tu as toute mon estime.
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