Confondre travail et identité
Une contagion qui s'explique en partie par les changements que les milieux de travail ont connus. «Il y a 100 ans, rappelle Serge Marquis, moins de 7 % des gens gagnaient leur vie en se servant de leur tête. Les autres se servaient de leurs mains, travaillaient la terre, coupaient des arbres, construisaient des maisons... Aujourd'hui, 75 % des gens travaillent avec leur tête. Quand on en demande trop à nos muscles, la douleur nous arrête. Mais qu'arrive-t-il quand notre tête travaille trop? Maintenant, la surcharge, elle est là.»
À cela s'est ajouté l'effet pervers d'Internet. Non seulement nous avons davantage de choses à faire, mais il faut accélérer le rythme. «Quand on envoie un courriel, on attend une réponse dans les heures, voire les minutes qui suivent. Notre rapport au temps s'est complètement transformé.»
«Aujourd'hui, le travail est devenu un espace de construction identitaire, ajoute Serge Marquis. On se définit par son travail. La question classique que tous, nous posons aux gens que nous rencontrons, c'est : ‘‘Qu'est-ce que tu fais dans la vie?'' Et si vous ne faites rien de particulièrement original ou, pire, si vous ne travaillez pas, vous vous sentez coupable, pas à la hauteur. C'est terrible! Ce que nous sommes n'est pas ce que nous faisons. Notre travail a bien sûr une certaine importance, mais il ne faut surtout pas que ça devienne le seul espace de construction de notre identité.»
Reconnaître ses limites
Mais comment ne pas suivre le rythme, même s'il est infernal? Comment ralentir sans risquer de perdre son emploi? Comment diable être performant et zen?
Pour le docteur Marquis, nous avons quelque chose à apprendre de cette crise que nous vivons. «Il y a un mot qu'on n'ose plus prononcer, et c'est le mot «limites». On nous parle constamment de dépassement de soi, de performance, de réussite, d'excellence, mais on oublie une chose: c'est que même parmi les athlètes d'élite, un seul arrivera premier. On fait des courbettes devant les médaillés d'or, mais les 4e, 20e et 75e, ont-ils vraiment moins travaillé que le premier? Je n'en suis pas sûr... »