Où se cachent les donneurs?
Installée depuis janvier 2011 à la Maison des greffés du Québec , celle qui était alors la première sur la liste des prochains receveurs espérait chaque jour un appel salvateur. Cette attente, elle l'a vécue comme un tour de montagnes russes, avec des hauts et des bas... et beaucoup d'angoisse. «Les histoires de greffe, vous savez, ce n'est pas toujours rose. Pour tout vous dire, j'ai hésité pendant au moins six mois avant de m'y résoudre: je réfléchissais à tout ça, je me renseignais sur Internet et j'examinais les statistiques, souvent peu encourageantes. Mais j'ai néanmoins fini par donner mon nom.»
Ce qui l'a décidée? Une «belle petite poupoune» nommée Rosalie qu'elle et Richard, son conjoint, sont allés adopter à Taïwan cinq ans plus tôt, en 2006, juste avant que l'état de santé de Nathalie commence à se dégrader. «Rosalie, c'était notre rêve, dit-elle. Et je veux la voir grandir. Alors les statistiques déprimantes, je les ai chassées de mon esprit.»
En 2010, l'organisme Québec- Transplant comptait un total de 169 donneurs (119 cadavériques, 50 vivants)*. Or, au 31 décembre de cette même année, 1241 personnes figuraient toujours sur la liste d'attente, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2004. Avec une moyenne par donneur de 3,6 organes (maximum de 8) transplantés en 2010, faites le calcul. Si les chiffres se maintiennent, bon nombre de malades devront patienter encore... et encore.
Où se cachent les donneurs ?
Ce n'est pas parce qu'on a cessé de vivre qu'on se qualifie automatiquement pour le don d'organes. «Au Québec, la source principale de donneurs cadavériques provient des personnes ayant subi un décès neurologique diagnostiqué comme tel (DDN)**. Il s'agit d'une condition très rare (1 % des décès), car la plupart des gens meurent d'un arrêt cardiaque », explique le Dr Pierre Marsolais, interniste-intensiviste à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et consultant médical à Québec-Transplant.
«La mort cérébrale - ou neurologique - correspond à la destruction irréversible du cerveau, même s'il y a persistance de l'activité cardiaque, précise l'expert. Les poumons, qui ont cessé de respirer, sont alors branchés à un ventilateur. Cela nous permet de maintenir artificiellement les organes en fonction pendant quelques heures. En fait, le patient est bel et bien mort, mais il semble dormir, car son teint est coloré et sa poitrine se soulève sous l'impulsion des machines. » C'est, en somme, un cadavre ventilé.
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*Source: quebec-transplant.qc.ca.
**Au Québec, la pratique du don après décès cardiocirculatoire (DDC) est encore très peu répandue. Un projetpilote en ce sens a été mené de 2007 à 2010 dans quatre centres hospitaliers québécois. Selon Québec-Transplant, l'évaluation qui portait sur 17 dons s'est avérée concluante, et ce protocole - déjà en place depuis longtemps ailleurs dans le monde - est appliqué depuis cette année à un plus grand nombre d'hôpitaux du Québec.