Un geste mûrement réfléchi
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«Les donneurs vivants sont des personnes extrêmement décidées qui consentent à un geste délibéré, mûrement réfléchi,» explique Deborah Ummel, doctorante en psychologie et spécialiste des relations entre donneurs et receveurs. Il le faut, car le processus qui les mènera jusqu'à l'opération s'échelonne sur une période de 8 à 12 mois.
Pendant tout ce temps, leurs motivations réelles (de même que leur état de santé) seront constamment scrutées à la loupe, afin de vérifier l'authenticité de leur don . Une procédure qui agace vivement les donneurs, note la doctorante: «Une fois qu'ils ont pris leur décision, ils voudraient subir l'intervention dès le lendemain!»
Jocelyne Saint-Arnaud, bioéthicienne et chercheuse associée au Centre de recherche en éthique de l'Université de Montréal (CREUM), comprend bien cette impatience, mais elle soutient que cette étape de réflexion est cruciale. «Soumettre un individu en santé à une intervention qui peut lui causer certains préjudices entre en contradiction avec le principe de base de la médecine, qui consiste à "ne pas nuire". Dans ce contexte, la notion de consentement libre et éclairé est particulièrement importante d'un point de vue éthique. Il faut être prudent pour éviter certaines dérives...»
Deborah Ummel abonde dans ce sens, même si elle craint que ces longs délais en découragent plusieurs. «Ce serait vraiment dommage, souligne-t- elle, car ce qui ressort sans ambigüité des études, c'est que très peu de gens ayant tenté l' aventure le regrettent. Les donneurs déclarent même retirer de grands bénéfices à passer à travers tout ce processus: le cheminement personnel qu'il suppose entraîne une meilleure estime de soi et une réelle sensation de bienêtre.»
Cela dit, l'avancée la plus prometteuse dans la lutte contre la pénurie d'organes reste le tout nouveau Registre des consentements au don d'organes et de tissus de la Régie de l'assurance maladie, créé dans la foulée de la loi promulguée en 2011. Dorénavant, lors du renouvèlement de leur carte-soleil, tous les Québécois recevront un formulaire d'inscription les invitant à y enregistrer leur choix. «C'est un outil très respectueux, estime Marie-Claude Côté. Le consentement est explicite et, en plus, il est révocable. Pas d'inquiétude, donc, si jamais vous changez d'avis.» De quoi apaiser bien des craintes... Les miennes, en tout cas! Qu'en est-il des vôtres?