Que nous révèlent nos rêves?

Pourquoi rêve-t-on?
De la naissance à la mort, les rêves sont essentiels à notre survie et à notre équilibre psychique. Ils nous permettent notamment d'évacuer le stress accumulé pendant la journée. Par exemple, plusieurs comédiens m'ont déjà avoué qu'à la veille d'un spectacle ils rêvent qu'ils n'ont plus de voix ou qu'ils se retrouvent devant une salle vide! En fait, c'est la façon qu'a trouvée l'inconscient de «laisser sortir la vapeur».

Rêver nous libère également des émotions et des frustrations refoulées: en les revivant pendant le sommeil, on s'en dégage au lieu de les ruminer. Ça nous permet donc de fonctionner plus sereinement dans la vie et d'être moins déstabilisée quand survient un changement.

Les rêves contribuent-ils aussi à notre épanouissement?
Tout à fait, puisqu'ils peuvent nous dévoiler des aptitudes ou des talents cachés. Le fait d'avoir vu en rêve que j'étais capable de parler en public m'a incitée à réfléchir là-dessus et à trouver le courage d'essayer. J'ai alors découvert la communicatrice qui sommeillait en moi. Aujourd'hui, je donne des conférences internationales. Nos rêves constituent d'excellents outils de résolution de problèmes et de connaissance de soi. Ils sont aidants au quotidien et ils améliorent la qualité de notre vie éveillée. Il faut cependant apprendre à s'en servir, tout comme on a appris à utiliser une carte de guichet!

Rêve-t-on toute la nuit ou seulement pendant certaines périodes?
On fait en moyenne de quatre à six rêves par nuit. Les études cliniques démontrent qu'à chaque intervalle d'environ 90 minutes on entre dans une phase de sommeil paradoxal: pendant que le corps est inerte, le cerveau, lui, est complètement éveillé. Si la première de ces phases ne dure que cinq minutes, les suivantes s'allongent à mesure que la nuit avance. Notre dernier rêve peut durer de 30 à 45 minutes et, comme c'est le plus long, on se souvient généralement de celui-là plus facilement.

Pourquoi nos rêves sont-ils si souvent absurdes ou farfelus?
Parce que c'est l'hémisphère droit du cerveau qui est alors en activité. Contrairement à la partie gauche, qui est le siège du langage et de la pensée rationnelle, l'hémisphère droit est visuel, intuitif et irrationnel. Donc, au lieu de nous envoyer un message clair et bien structuré, il crée un scénario beaucoup plus complexe, sous forme de métaphores, à partir du bagage d'images et de perceptions qu'il a récemment emmagasinées.

Toutefois, si notre rêve nous semble fantaisiste, les informations qu'il recèle ne le sont pas. Et lorsqu'on se dit qu'il n'a pas de sens et qu'on ne fait pas l'effort d'essayer de le comprendre, on passe à côté du message qu'il veut nous transmettre.

Comment les rêves peuvent-ils nous aider à trouver une solution à nos problèmes?
Il y a quelques années, j'ai installé de nouveaux rideaux à mes fenêtres, et le résultat m'a déçue. Ce n'était pas ce que je voulais. Mais la nuit suivante, j'ai clairement vu en rêve comment les attacher pour obtenir l'effet désiré.

Dans ma pratique, j'ai aussi rencontré des comptables qui m'ont dit se réveiller au petit matin en sachant très exactement dans quelle colonne se situait l'erreur qu'ils avaient vainement cherchée durant toute la journée!

Il faut toutefois se rappeler que le cerveau droit ne travaille pas de façon logique. Si on a perdu nos clés, il ne nous aidera pas à les retrouver en procédant ainsi: «J'ai laissé mon sac dans l'entrée, j'ai ensuite bu un verre d'eau dans la cuisine, je me suis appuyée contre la cuisinière et - ah oui! - j'ai déposé mes clés sur le frigo.» Mais il peut très bien faire surgir dans notre tête l'image d'un réfrigérateur.

Est-il possible de décoder soi-même ses rêves?
Bien sûr. Étant donné que chaque rêve nous concerne, une partie de nous le comprend forcément! Intuitivement, on devrait donc pouvoir faire un lien direct avec ce qu'on vit. Et celles qui pensent que les dictionnaires de symboles peuvent les aider à les interpréter se trompent!

Si on rêve que la belle route de campagne sur laquelle on est en train de rouler se termine en cul-de-sac, la signification dépendra de nos préoccupations du moment, d'une situation dans notre vie qui ne nous mène nulle part. Comme on est la seule à connaître le contexte dans lequel le rêve s'inscrit, on est bien mieux placée que n'importe quel dictionnaire pour le décoder.

Que faut-il faire pour s'en souvenir?
Le meilleur moyen, c'est de prendre l'habitude de les écrire dans un carnet chaque matin au réveil. Le soir, juste avant d'aller au lit, on prépare le terrain en y notant la date ainsi que deux évènements importants de la journée.

Le lendemain, on essaie de rattraper son rêve. On commence par lui donner un titre («la route bloquée», par exemple), puis on le raconte: «Je conduis à toute vitesse sur une belle route de campagne, etc.» Enfin, on met en mots les sentiments qu'il a suscités: frustration, acceptation, colère, surprise... Viennent ensuite les questions: «Dans quelle sphère de ma vie dois-je faire demi-tour? Est-ce que ça concerne mes placements financiers, mon engagement amoureux, ma carrière ? »

Peut-on orienter le scénario de ses rêves?
Avec de l'entraînement, on peut effectivement y arriver. Comme le cerveau droit est très visuel, on inscrit simplement dans son carnet ce qu'on souhaite: «Cette nuit, je vérifie les
conséquences de tel choix dans ma vie» ou «Cette nuit, je vais trouver une solution à tel problème». On appelle ça faire de l'induction de rêves. Au début, j'étais la première à douter. Je me rappelle même m'être dit que c'était trop beau pour être vrai! Mais après un mois d'expérimentation, je me suis aperçue que, quatre fois sur cinq, mes rêves étaient liés à mes demandes.

Parlez-nous un peu des cauchemars.
Affreux, terrifiants ou inquiétants, ils sont pourtant utiles, et ce, pour trois raisons. D'abord, ils peuvent refléter un état intérieur (situation conflictuelle non réglée, début de burnout ou de dépression, etc.) et nous inciter à prendre certaines mesures afin de ne pas sombrer davantage.

Ensuite, ils nous aident à évacuer le stress de la journée: on fabrique des scénarios catastrophes pour se désensibiliser, car on a les nerfs à fleur de peau (comme la comédienne qui rêve qu'elle a perdu la voix).

Enfin, ils nous permettent de développer audace et courage. Comme ce sont souvent des rêves non terminés, on doit visualiser une fin positive en état d'éveil. Si on tombait dans le vide, on imagine qu'on se met à voler; si on était attaquée par une créature monstrueuse, on la fait déguerpir avec une arme antimonstre! Le soir suivant, on peut aussi induire nos rêves en affirmant des phrases du genre «Cette nuit, j'affronte mon agresseur » ou «Cette nuit, je vais faire face au danger».

On se réveillera plus légère et libérée de l'emprise émotionnelle de la veille. Par contre, dans le cas d'un cauchemar récurrent, il est préférable de faire appel à un psychologue ou à un thérapeute. En effet, si la cause est très profonde, on ne sera pas en mesure de résoudre soi-même le problème.



On rêve d'en savoir plus?

À lire Les rêves, messagers de la nuit , Nicole Gratton, Les Éditions de l'Homme, 2010, 176 p., 23 $.

À essayer Des ateliers à l'École internationale de rêves, un centre de formation qui nous aide à mieux comprendre ces images de la nuit; 514 326-6136 ou nicole-gratton.com .

La version originale de cet article a été publiée dans le numéro d'avril 2011 du magazine Vita .

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