Mettre fin à l'itinérance
De fait, la prévention n'est pas très à la mode! Il est difficile d'obtenir de l'argent pour soigner un fléau plutôt invisible, et l'itinérance féminine en est un. Les femmes errent pendant des années, de centre en centre, auprès de ressources temporaires. «Il faut plutôt un continuum de services, insiste Léonie, car après un mois dans un dortoir, le problème d'une vie est loin d'être réglé! Ça prend du soutien à long terme. Oui, l'itinérance, ça signifie ‘‘plus de jobs et plus de maisons'', mais il faut changer le paradigme. L'itinérance est une conséquence. Il est temps de reconnaître la source: la blessure! Les fractures des os, on les soigne à l'hôpital! Comme société, il ne nous viendrait pas à l'idée de laisser les gens à eux-mêmes en attendant que les os se recollent! Une blessure relationnelle, c'est extrêmement grave. Il serait temps qu'on apprenne à soigner les fractures du cœur! Ça peut détruire la vie d'une personne, et de tout son entourage.»
Plus qu'un refuge: une maison
Ces femmes déconnectées d'elles-mêmes, des autres et de leurs responsabilités, Léonie en a vu des milliers au cours de sa carrière. Elles venaient de toutes les classes sociales parce que, comme on le sait, l'abus s'immisce partout. Féministe de première ligne, Léonie a travaillé au Mouvement contre le viol, au Centre de santé des femmes, puis à divers endroits en alphabétisation. Pour tracer cette voie à l'inclusion, elle a mis sur pied une maison où plus d'une vingtaine d'intervenantes se relaient 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Avec, au départ, 13 appartements supervisés, La rue des Femmes a ouvert un nouveau centre multiservice, en 2002, baptisé La Maison Olga. On y trouve une salle à manger au décor joyeux, avec de grandes fenêtres et le sentiment d'y être à la maison. Vingt chambres privées y accueillent les femmes dans le besoin. Quand tout est plein, on trouve des lits d'urgence. «Avant tout, on essaie de recréer un esprit de famille», insiste la fondatrice.
Les femmes qui y trouvent refuge ont d'abord accès à des services de première nécessité, comme un lieu convivial où passer leurs journées, une chambre bien à elles pour la nuit, des repas chauds, un dépannage vestimentaire, un suivi en santé physique et mentale. «Elles ont reçu de l'écoute, on les a crues, et on a reconnu leur blessure, explique la guérisseuse des âmes. C'est beaucoup! Certaines repartent outillées au bout de quelques mois, voire un an ou deux. Pour d'autres, c'est plus long. Il y a certaines femmes que la douleur aura handicapées pour toujours. Celles-là auront besoin de médicaments pour atténuer leur souffrance. Mais la plupart repartent avec un bon niveau de guérison. Pour nous, l'important, c'est de leur redonner une certaine dignité. Cela commence par la capacité de subvenir à leurs besoins primaires. Elles y arrivent dès qu'elles retrouvent leur estime de soi. C'est ce qui leur donne du pouvoir.»
Pour faire un don:
www.laruedesfemmes.com
À lire dans le magazine
Vita
Dans sa dernière édition de mai, le magazine
Vita
publie l'histoire exceptionnelle d'Isabeau, une ex-itinérante qui est passée par La rue des Femmes. Un lieu qui lui a permis de retrouver espoir et estime personnelle.