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La récession : Quelles leçons en tire-t-on?

Inutile de le nier, la crise économique a des incidences sur nos finances personnelles. Mais a-t-elle changé nos façons de consommer et d'épargner.

Modifié le :
2009-12-10 10:35
Publié le :
2009-12-10 09:40
Par:
Martine Turenne

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Récession - Des changements dans la vie de Sylvie

J'ai véritablement mesuré l'ampleur du désastre économique dans lequel nous étions plongés le jour où je me suis retrouvée dans la salle de bain de ma copine Sylvie.

Devant moi s'étalaient d'innombrables petits flacons de shampoing et tout autant de minuscules savons dont l'emballage affichait les logos de chaînes d'hôtels de catégorie familiale. Sur la même tablette, j'ai aussi aperçu un pot de crème pour le visage. Choc et stupeur: mon amie, réputée pour ses virées notoires au rayon des cosmétiques haut de gamme, avait choisi un produit de marque populaire... et pas cher! Je n'ai pu m'empêcher de lui faire part de mon étonnement.

- Dis-moi, c'est quoi ça?
- - Ça, ce sont les centaines d'échantillons que j'ai rapportés des endroits où nous avons logé en vacances. Je les accumule depuis des années et, là, j'ai décidé que ma famille et moi allions enfin nous en servir, histoire d'épuiser ce lot une fois pour toutes. D'ailleurs, je n'ai plus les moyens d'aller à l'hôtel... ni de m'acheter des crèmes coûteuses.

Ses enfants ont beau être exaspérés par le format lilliputien des savons et des flacons, Sylvie persiste dans sa récente résolution... au point d'avoir rapporté chez elle un rouleau de papier hygiénique d'une chambre d'hôtel où elle a récemment séjourné pour le travail. «C'est ce qu'on appelle de la consommation créative», me lance-t-elle en guise d'explication.

Il faut dire que, l'hiver dernier, Sylvie a subi - à l'instar de ses collègues - une réduction du nombre d'heures de travail par semaine, et ce, pour une période indéterminée. Tout aussi indéterminée, en fait, que les perspectives d'avenir de son propre emploi au sein de l'entreprise.

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Récession - Consommer moins, mais mieux

Une récession pas comme les autres
Chose certaine, j'ai constaté que plusieurs de mes copines ont changé leurs habitudes... contexte oblige. Par exemple, Johanne Boisclair, une criminologue de 45 ans, a remis à plus tard ses travaux de rénovation malgré les crédits d'impôt accordés à cet effet par les deux paliers de gouvernement en 2009. «La récession influence mes décisions en matière de gros investissements», explique-t-elle.

Sans trop craindre de perdre son boulot d'acheteuse pour un détaillant - du moins pas pour l'instant -, mon amie Stéphanie Daoust, 45 ans, admet pourtant consommer un peu moins, même si elle croit qu'on a nous-mêmes accentué cette crise à force de paniquer. «La récession nous a toutefois forcés à réfléchir à nos habitudes d'achats, ce qui est très bien, dit-elle. À mon avis, on gagnerait à consommer moins mais plus intelligemment, un peu comme font les Européens. Mieux vaut se procurer des meubles qui dureront 25 ans au lieu de 10... même s'ils coûtent plus cher à l'achat. Même chose pour les voitures ou les chaussures. Évidemment, ça suppose qu'on soit un peu moins fashion victim

Pas évident d'endosser de tels propos lorsqu'on vient tout juste d'acheter le DVD - édition spéciale! - du film Sex in the City ... De quoi me poser sérieusement la question: cette nouvelle prise de conscience et toutes ces bonnes résolutions tiendront-elles encore le coup quand la crise ne sera plus qu'un mauvais souvenir?

En période de ralentissement ou de récession, chacune pense d'abord à sa sécurité, estime Liane Chacra, directrice régionale et planificatrice financière au Groupe Investors. «On se pose maintenant la question: dois-je vraiment acheter ces chaussures? On évalue nos besoins réels par rapport au "vouloir avoir". Il y a donc une réflexion qui se fait, et c'est une bonne chose. La crise représente une opportunité de mettre en place un plan financier qui va durer et nous sécuriser.»

Nouvelles habitudes de consommation?
Seulement voilà: ces bonnes intentions vont-elles vraiment durer? «Les gens changent leur façon de consommer durant une récession, mais une fois celle-ci terminée, ils oublient qu'ils ont souffert et reprennent leurs anciennes habitudes», constate le bostonais Stephen M. Shapiro, conférencier, blogueur et consultant en innovation. «Ç'a été comme ça après le choc pétrolier de 1973 et après les récessions du début des années 80 et 90.»

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Récession - 1 Canadien sur 5 a perdu le contrôle!

Cela dit, plusieurs doutent que le scénario soit le même cette fois-ci.

Tout simplement parce que cette récession n'en est pas une comme les autres. Elle a débuté par une crise financière, très loin de la population et de son traintrain quotidien. Mais elle a fi ni par atteindre l'économie réelle, provoquant faillites et chômage.

Rien de nouveau sous le soleil en temps de crise, me direz-vous, sauf que - contrairement aux récessions récentes - celle-ci aura un impact à long terme pour deux raisons: d'une part, l'effondrement des marchés boursiers, qui a entraîné en moyenne des pertes de patrimoine de 40 % (ce qui affecte drôlement nos REER!); d'autre part, le taux d'endettement élevé des ménages canadiens.

Pourra-t-on ensuite revenir à notre ancien mode de vie?
«À mon avis, ce n'est même pas une option, répond Jacques Nantel. Car, cette fois, les ménages sont terriblement endettés.» En effet, selon une récente enquête de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA-Canada), l'endettement total des ménages canadiens a atteint en 2008 un niveau record: 1300 milliards de dollars! Et 85 % des répondants disaient ne pas payer la totalité de leur solde mensuel de cartes de crédit. Enfin, 21 % des Canadiens dans cette situation admettent avoir perdu le contrôle de leurs dépenses et de leurs dettes.


«Cette enquête confirme ce qu'on remarque depuis plusieurs années», note Karine Robillard, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs. «Le taux d'épargne est en chute libre, tandis que l'endettement explose.»

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Récession - Business as usual?

Business as usual ...
Faut-il s'en étonner dans un système qui repose essentiellement sur la consommation? Ça fait rouler l'économie, comme on dit!

Et au Canada, la croissance de notre produit intérieur brut est supportée aux deux tiers par les dépenses des ménages. «Or, souligne Jacques Nantel, les revenus de ces ménages n'ont pas augmenté en 10 ans, tandis que le commerce de détail, lui, a connu une croissance moyenne de 6 % par année pendant ce temps. Ça veut dire une augmentation de 80 % de la consommation en une décennie! »

Et ce n'est pas à cause de l'inflation, qui a été seulement de 14 % durant la même période. «Ce que ça signifie, c'est que les ménages se sont beaucoup endettés. Et à cause de cette conjoncture particulière, on ne pourra pas revenir au business as usual après cette récession.» À moins qu'on assiste à une croissance économique réelle et soutenue. «Mais on n'est pas partis pour ça!» estime M. Nantel.

Vit-on sur du temps emprunté?
Récession ou pas, plusieurs d'entre nous n'ont pas réellement changé leurs habitudes de consommation, du moins pas en profondeur. À titre d'exemple, je connais (très bien) une quadragénaire qui s'est récemment payé une semaine à Barcelone avec... sa carte de crédit! (Non non, n'insistez pas, même sous la torture, je ne dévoilerai pas son nom!) Quant à celles qui - comme mon amie Sylvie - piquent un rouleau de papier hygiénique dans leur chambre d'hôtel pour le «recycler» à la maison, disons qu'il s'agit là d'un changement de comportement plutôt marginal...

«Pour l'instant, je ne constate pas d'impact réel de la récession sur les habitudes de consommation, affirme Karine Robillard. Les gens étaient peut-être un peu plus inquiets l'hiver dernier, mais depuis, tout le monde semble s'être calmé.» Cependant, dans les ateliers publics qu'elle anime, la conseillère budgétaire note un regain d'intérêt pour les pièges du crédit. «On n'est toutefois pas encore en mode prudence», renchérit Jacques Nantel. Rien ne l'indique dans les statistiques, en tout cas. Ni dans les enquêtes.

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Récession - Apprendre à vivre selon nos moyens

Ainsi, dans le sondage déjà cité de CGA-Canada, près de quatre répondants sur cinq (78 %) déclaraient que - crise ou pas - ils n'avaient pas l'intention de changer leurs habitudes d'épargne.

Selon M. Nantel, ce relatif aveuglement est en partie dû aux taux d'intérêt actuellement très bas. Le crédit s'est resserré, certes, mais il n'a pas disparu pour autant!

Or, d'après le professeur Nantel, ce n'est que partie remise. Bien sûr, le Canada et le Québec disposent de solides filets sociaux qui rendent le chômage moins catastrophique. «Mais à mesure que la dette des gouvernements augmente, le filet social se resserrera, et ce, dès cet automne ou l'hiver prochain, prédit-il.

Par ailleurs, les régimes de pension ont subi de grosses pertes sur les marchés. Conséquemment, ils vont devoir se réajuster, ce qui entraînera des augmentations de primes pour les cotisants... qui auront ainsi encore moins de pouvoir d'achat.»

Par la force des choses, les consommateurs canadiens deviendront alors plus vigilants, croit Jacques Nantel. Ils auront également appris certaines choses de la récession, notamment qu'une voiture peut très bien rouler de nombreuses années et que les petits savons d´hôtel ou les échantillons de shampoing sont faits pour être utilisés (tiens donc...). Et, surtout, nous devrons réapprendre à vivre selon nos moyens. «C'est le bon moment pour se poser des questions, dit Karine Robillard, mais on aurait dû le faire avant.»

Endettés les canadiens?
À la fin de 2008, l'endettement total des ménages canadiens se chiffrait à 1300 milliards de dollars, soit près de 40 000 $ par habitant, le double par rapport à l'an 2000. Notons également que le tiers des Canadiens n'épargnent pas et que le quart seraient incapables d'assumer une dépense imprévue de 5 000 $.

*Source: Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA-Canada)

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Récession - Pas de dettes pas de problèmes?

Pas de dettes = Pas de problèmes?
Message reçu dans ma boîte de courriels en provenance du iPhone de mon amie Anne: «Effets de la récession non ressentis, mais très grande envie de maximiser la consommation... pendant qu'il semble encore possible de le faire. D'où l'achat compulsif de quatre paires de chaussures à la veille de mon 50e anniversaire.»

Anne, qui est architecte, fait partie de celles qui écoutent le catastrophique discours ambiant, en saisissent bien les enjeux, le comprennent parfaitement, mais n'en tiennent aucunement compte.

D'accord, le prix de l'essence joue au yoyo, et notre panier d'épicerie coûte plus cher. Nos REER ont fondu aussi, mais «cette perte de patrimoine reste pour l'instant sur papier», remarque Jocelyne Dubé, une ergothérapeute dans la jeune quarantaine: «Près de 40 % de mes avoirs ont disparu, c'est vrai, mais tout ça demeure virtuel tant que je ne touche pas à mes placements. Pour le reste, la récession a été une crise de confiance plus qu'autre chose. Les gens disent que les temps sont durs, sauf que la plupart d'entre eux ne le ressentent pas. À part, bien sûr, ceux qui ont perdu leur emploi.»

Vive la simplicité volontaire!
En réalité, ce sont mes copines adeptes de la simplicité volontaire qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu. Habituées à dépenser selon leurs moyens, elles ne sont ni endettées ni paniquées. «Je me suis toujours gardé une marge de manoeuvre financière, admet Jocelyne. Et je n'ai pas de dettes. Je me contente d'acheter seulement ce dont j'ai besoin, quand j'en ai besoin. Pour moi, magasiner n'a jamais agi comme un antidépresseur. La preuve? Je n’ai jamais payé un sou d’intérêt sur ma carte de crédit en 30 ans d’utilisation!»

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Récession - 7 stratégies antiendettement

7 stratégies antiendettement

  • Établir son budget et suivre à la cenne près nos dépenses afin de savoir où va notre argent: une règle incontournable, assure Karine Robillard, d'Option consommateurs.
  • Acheter seulement ce qu'on peut se payer et ne dépenser que ce qu'on a déjà gagné, recommande Liane Chacra, du Groupe Investors.
  • Éviter les achats compulsifs, conseille Mme Robillard. Il faut toujours s'accorder un temps de réflexion, en particulier quand il s'agit de biens plus importants. Mieux vaut retourner au magasin par la suite, le cas échéant. Et s'enlever de la tête qu'on perdra l'aubaine du siècle si on attend.
  • Rembourser ses dettes le plus vite possible, surtout celles contractées sur une carte de crédit, précise Mme Chacra. Et payer chaque mois la totalité du solde de sa carte.
  • Devenir une consommatrice attentive et avisée, propose pour sa part mon amie Sylvie. Pour l'avoir elle-même constaté à plusieurs reprises, les soldes à 30 % grimpent immanquablement à 50 % quelques semaines plus tard au rayon des vêtements. Suffit d'être patiente... et de garder l'oeil ouvert!
  • Diviser ses dépenses en trois catégories, renchérit Mme Chacra: celles à coût fixe (hypothèque, électricité, etc.), celles obligatoires mais à coût variable (épicerie, transport, vêtements) et les dépenses facultatives liées au plaisir. Suivant ce principe, ouvrir deux ou trois comptes bancaires pour y déposer les sommes couvrant ces différents types de dépenses (à court terme et à long terme).
  • Enfin, payer comptant le plus souvent possible, conclut Liane Chacra. Car en ayant le feeling concret de l'argent, on résiste mieux à l'endettement.
La version originale de cet article a été publiée dans le numéro d'octobre du magazine Vita .

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