Envahissante la belle-mère?
Si une Lyne-la-pas-fine se terre parfois au fond de moi, nul doute qu'elle cohabite avec une Endora, la vieille acariâtre qui empoisonnait la vie de son gendre Jean-Pierre dans la télésérie-culte Ma sorcière bien-aimée. Devenue moi-même belle-mère - volontiers critique - il y a quelques années, je serais prompte à sortir mes griffes si je voyais ma fille ou mon fils malmenés, brimés, tristes ou largués. «C’est plus facile, et moins menaçant, de critiquer son gendre ou sa bru que son enfant», remarque Anne Chevalier*, 56 ans, qui a vécu des relations plutôt hostiles avec ses deux premières belles-mères avant d’être choyée par celle qui leur a succédé.
Pour ma part, contrariée ou pas, je rembarre aussitôt Endora. Je préfère tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler, en me répétant que mes enfants, désormais adultes, peuvent bien mener leur barque à leur guise. Et puis j'aime mon gendre, tout comme j'aimais ma belle-fille du temps où elle vivait encore avec mon fils. Car même à titre de belle-mère, on s'attache. Et quand nos enfants se séparent de leur conjoint, on vit des deuils et des recommencements. Cela dit, il m'arrive de me poser la question: suis-je une belle-maman insupportable? J'espère que non.
«Mêlez-vous de vos affaires!»
Avouons que certaines belles-mamans sont envahissantes. «Se mettre le nez dans la vie de nos enfants adultes, c'est utiliser un pouvoir qu'on n'a plus, renchérit la psychologue Hélène Boisvert. Cela dit, quand chacun respecte son territoire, il n'y a pas d'abus de pouvoir.» Pour le couple, il importe donc d'établir des frontières... et de les faire respecter.
Elle-même mère de deux fils aujourd'hui adultes, Évelyne Côté*, 55 ans, a eu maille à partir avec son ex-belle-maman. «Elle se mêlait de l'éducation des enfants quand ils étaient petits. J'essayais de lui faire comprendre mon point de vue, mais elle ne m'écoutait pas. Autoritaire, ma belle-mère a passé sa vie à dire aux autres quoi faire. Et elle a continué à contrôler ses enfants adultes, même à distance. Devant elle, mon conjoint redevenait un petit garçon. Il me disait de ne pas m'en faire avec sa mère, mais il refusait d'analyser son comportement, ce qui lui aurait pourtant permis de comprendre sa façon d'agir à mon égard.»
Évelyne réalise aujourd'hui que ses problèmes avec son ex-belle-maman venaient d'abord d'un manque d'intimité et de communication dans son couple. Hélène Boisvert croit elle aussi qu'un couple solide ne laisserait pas une belle-mère s'ingérer dans sa vie. Si toutefois cela se produisait, les conjoints trouveraient alors une manière respectueuse de le lui dire, sans quoi la situation risquerait de s'envenimer.