On jase, mais on ne se parle pas
Je m'ennuie des vraies conversations
.
Je sais, ceux qui me connaissent vont se bidonner en lisant ça. Ma réputation de moulin à paroles, comme disait maman, n'est plus à faire. Sauf qu'entre converser et parler, il y a tout un monde! Et quand je dis «vraies conversations», je pense à celles qui exigent du temps, de l'attention et... des silences. On jase, ça oui! On placote même plus que jamais depuis que nous sommes vissées à nos cellulaires. On se donne des nouvelles, jour et nuit si on veut, par texto, courriel ou sur Facebook.
On réagit dans tous les blogues et les tweets du monde
(les spécialistes du Web appellent ça la microconversation).
Au boulot , on chuchote les potins dans les toilettes, on livre ses états d'âme à la pause café et le soir, quand on revient à la maison, on raconte sa journée à son chum ou aux enfants. On va même à la télé exposer ses problèmes. Bref, on s'exprime. Et le lendemain, on recommence. Vive la liberté de parole! Mais si on livre aujourd'hui plus facilement ses émotions - et c'est tant mieux (merci, Janette Bertrand!) -, il est assez rare qu'on prenne le temps d'échanger des idées et encore moins des réflexions.
Pourtant, on en aurait bien besoin . La vie et le monde étant de plus en plus complexes, il faudrait quand même les comprendre! Mais il y a des questions si graves, si obscures, qu'on préfère les jeter aux oubliettes plutôt que de les affronter. Des pourquoi qu'on efface par crainte de la réponse. Des comment qu'on occulte par paresse intellectuelle, peut-être aussi par cynisme ou «aquoibonisme». Et puis, on est continuellement aspirées par le cyclone du quotidien. Pas le temps de penser.
Or, la «vraie» conversation demande du temps . Un arrêt. Moment privilégié? Le souper. Ce n'est pas moi qui le dis, mais Emmanuel Kant, le grand philosophe allemand: «La forme de bien-être qui paraît s'accorder le mieux avec l'humanité est un bon repas en bonne compagnie.»