Un esprit critique
Quelques notes sur la ville où elle se trouve et les gens qu'elle doit rencontrer avant le spectacle: édiles, stars du sport, du showbyz ou du cinéma, enfants malades... Parfois aussi des extraits de critiques. Il y a 10 ans, elle n'en prenait jamais connaissance. Aujourd'hui, elle exige de lire les plus féroces. Parce qu'on ne sait jamais, on peut toujours avoir quelque chose à corriger.
Un soir, à Dublin, pendant qu'elle se maquillait, elle a demandé à voir un très méchant brûlot dont on lui avait parlé. Elle a lu à haute voix ce cyberpapier franchement haineux, du genre «Je déteste Céline Dion de toutes mes forces, je déteste sa voix, sa face, ses gestes, ses propos, ses chansons, ses vêtements, etc.», avec force détails et une photo vraiment pas flatteuse. Elle n'a pas semblé le moindrement affectée. «J'ai presque pitié de la personne qui s'est donné la peine d'écrire ça, disait-elle, en parachevant son maquillage. Quand on hait tant que ça, c'est à soi-même qu'on fait mal. À mon avis, cette fille-là n'est pas heureuse.»
J'ai fait défiler le texte sur l'écran de l'ordinateur. Il n'était pas signé. J'ai demandé à Céline pourquoi elle disait que c'était une femme qui l'avait rédigé. Elle a ri en ajoutant que les femmes n'étaient ni plus ni moins méchantes que les hommes, mais qu'elles l'étaient différemment. «Et ça, d'après moi, c'est de la méchanceté féminine.» Dix minutes plus tard, elle entrait dans la clameur d'une foule de quelque 60 000 fans sans doute incapables d'imaginer qu'on puisse détester leur prodigieuse idole.
Céline Dion est solide, parfaitement capable d'encaisser. Jean-Jacques Goldman l'avait compris, lui qui, longtemps avant qu'elle soit réellement autonome, lui a écrit Je sais pas (la pièce préférée de sa mère), dans laquelle elle chante Je suis pas victime, je suis pas colombe . Elle serait, de son propre aveu, bien malvenue de se comporter en victime. Bourrée de talent et entourée d'amour depuis toujours, elle est bénie des dieux. «Je suis une femme libre et heureuse. J'ai un enfant et un mari qui font mon bonheur.»
Contrairement à la plupart des femmes de son âge, qui ont vécu plus d'un amour au cours de leur vie, Céline a choisi, elle, toute jeune, de n'aimer qu'un seul homme. «Pas choisi, précise-t-elle. On ne choisit pas d'aimer. Ni d'être aimé. L'amour, c'est un don du ciel. Moi, j'ai eu la chance de rencontrer très tôt l'homme de ma vie. J'ai toujours su que c'était lui. Je l'ai aimé tout de suite. Et pour toujours.»